vendredi 16 – samedi 17 décembre 2022

Impasse

Dissonance Cognitive et Impassivité Écologique

Le viol est un acte non-consensuel. Dès qu’il devient consensuel, il n’est plus un viol …

Les gens pensent par association. Ils sont « contre » - ils feront tout pour que cela n’ait pas lieu. Ils sont pour, ils feront tout le contraire.

L’écologie, tant qu’elle reste dans son sujet de la belle nature, dans son rang, est bien vue. Lorsqu’elle menace le confort et la facilité de nos vies, elle devient tout autre chose.

Jusqu’au point où « tu ne peux pas forcer / obliger les gens à vivre comme ça » (sobrement) et « c’est ton choix » deviennent les phrases les plus fréquentes qu’on risque d’entendre si l’on propose des solutions écologiques frugales.

Qui force qui ? Le dit « seuil de pauvreté » dans un pays riche comme la France équivaut au salaire de vie d’un membre de la classe moyenne ailleurs dans le monde. Si l’on se sent pauvre, c’est bien parce que la vie de hyper-consommateur coûte cher, n’accommode pas et n’est pas proportionnée aux besoins de la terre nourricière.

Qui oblige qui ?

Il paraît que je brise le consensus social, pour ne pas dire l'omerta, en demandant cette question.

J’ai été assis sur le quai, momentanément, à regarder les files de trafic qui descendaient et qui montaient du Causse de Larzac. Des véhicules en continu, phares contre pare-choc. A cette heure-là, beaucoup plus de descentes que de montées. Un vendredi soir près de Noël. Les riches des Causses descendaient à Millau pour la soirée de la parade de Noël. Je lance l’hypothèse qu’au moins la moitié des gens qui vivent maintenant sur le Causse, à 300 ou 400 mètres de dénivelé, font la navette, chaque jour, dans leurs voitures particulières, en ville. La ruralité la plus désertique s’est assimilée au péri-urbain.

Et oui, il faut être riche pour vivre là-haut ! Et ce n’est pas dans la beauté de la nature que l’on va trouver des écologistes acquis à la cause de la sobriété énergétique – ils risquent de perdre leurs boulots s’ils se mettent à l’écologie, et sans boulot, pas de gazole pour aller faire ses achats de base au bio-coop !

Ce qui peut paraître étonnant, c'est que chacun trouvera la raison pour laquelle dans son cas particulier, ce n'est pas le cas, ou que si c'est le cas, ce n'est pas par choix, etc. ... Mais dans ce cas, qu'est-ce qu'ils ont fait pour rendre plus défendable la vie vraiment écologique, là-haut ? Des chiffres, SVP ?

Les débats que j’ai l’habitude d’engendrer fatiguent les gens, parce qu’ils sont ennuyeux, parce que l’« on sait déjà » de quoi ça traite. Les gens pensent par association, plus que par la logique directe de cause à effet. Ils apprécient surtout que si l’écologie s’installe sérieusement, leur train de vie luxueux risque de disparaître. Tandis que tant que cela reste un choix individuel, cela ne menace personne. Des propositions structurelles, par contre, menacent beaucoup de monde, sélectivement … les plus nantis en premier. Sur les Causses, on s’y prépare aussi, en mode « Survivaliste ».

Mes sujets de débat sélectionnent comme cible surtout ceux qui ont un train de vie qui fait consommer beaucoup de combustible. C’est le cas à la campagne, en dehors des villes de taille moyenne. C’est le plus inconfortable des sujets. J’ai noté que ceux qui déploient le plus leurs voitures sont ceux qui insistent le plus qu’on éteigne les lumières – comme si l’un masquait l’autre ! Peut-être c’est une signe d’affinité tribale – la tribu de propriétaires d’utilitaires surdimensionnés se reconnaît parce qu’ils éteignent toujours les lumières dès qu'ils quittent la salle ?

cumulus

Il y a un effet multiplicateur, cumulatif, un peu comme le cumul des mandats pour les élus. Quand on dit que quelqu’un est riche, on ne dit pas qu’il vit à la campagne. Cependant, plus il est riche, plus il risque d’avoir un pied-à-terre en ville et une maison confortable avec jardin (ou même quelques hectares) à la campagne. Sans parler des vacances ailleurs, toutes, bien sûr, grâce aux véhicules privés. Ce sont ces gens, surtout, qui parlent de leur amour pour la nature. Des gens "hors sol".

Ceux qui vivent dans les villages autour de Millau sont, en moyenne, plus riches que ceux qui vivent à Millau. Tout cela grâce à la voiture – et à l’autoroute ! De telle manière que cette campagne française est faite pour les riches, gouvernée et dominée par et pour les riches.

Quand j’ai dit à quelqu’un qu’on est plus écolo en ville qu’à la campagne, il m’a rit au nez. Pourtant, les chiffres électoraux le disent, très clairement. Il m’a dit qu’il avait en tête que bien sûr, les distances étant inférieures, qu’on peut utiliser un vélo, en ville, que les villes, ce sont des endroits pollués, industrialisés et improductifs en fruits et légumes.

Précisément. En ville, il y a plein d’aménagements à faire, des populations variées, avec beaucoup plus de pauvres travailleurs et de jeunes, qui sont bien plus motivés à améliorer leur environnement pourri qu’à la campagne. Il y a beaucoup plus à gagner et moins à perdre en termes de confort et de facilité qu’à la campagne. Le transport collectif contre les embouteillages. Le potager ouvrier contre la zone industrielle et la friche, et ainsi de suite.

À la campagne, par contre … ça se voit que, avec le mixte de populations actuel et les infrastructures routières des trente glorieuses, il n’y a aucun ressenti, aucun intérêt, aucune motivation à changer le modèle industriel existant. Les plus beaux villages de France s’enchaînent, reliés par du goudron, du ciment et des métaux rares.

Les changements que l’on cherche, donc, sont purement cosmétiques, ils ne changent rien dans le fond. C’est pour cela qu’on peut dire que la politique, à la campagne, est devenue une affaire de droite, voir d’extrême-droite.

Ce sont, tout simplement, les populations qui ont le plus à perdre dans cette affaire – les riches à la campagne. Ils sont majoritaires, mais souvent par mille petites touches. Par exemple, la Mairie de Toulouse, pendant le Covid, prenait l’habitude d’envoyer des milliers d’enfants "défavorisés" à des colonies de vacances (entreprises "zombies"), dans divers départements autour de cette grande ville, comme l’Ariège.

Ce n’étaient pas des résidents, mais des vacanciers. Cependant, cela influe, et très largement, sur l’économie locale, et on ne peut pas nier leur présence. Le concept administratif de « résidence » est très pratique lorsqu’on veut flouer les perceptions de qui est le vrai influenceur, lobbyiste ou décisionnaire. Le Maire de Toulouse a été, dans la même période, sollicité, à titre personnel, pour conduire une enquête, plutôt positive, sur l’urbanisation radicale d’une commune rurale voisine.

Ce genre d’exemple vaut pour le gros des gîtes ruraux, campings, hôtels, restaurants, stages, sports d’hiver et d’été qui font partie de l’économie locale. Cela se passe beaucoup dans le sud de la France. L’élite urbaine prend bien des décisions qui impactent la campagne autour, a bien des liens étendus avec l’élite rurale, jusqu’à en être inséparable.

Jusqu’au point où la ruralité devient un vaste terrain de jeu pour les populations urbaines, et dans le cas français, pour les touristes qui viennent des autres régions, pays et hémisphères de la terre. C'est tout un modèle économique et social qui est menacé par l'écologie, la vraie.

Bien sûr que c’est le transport qui prend tout ce qui est écologique à la campagne en otage, dans ce cas. Les conditions d’accessibilité sont déterminantes. Et voilà que l'exploitation forestière avec des machines lourdes va bientôt réduire, par son poids, la biodiversité, jusqu'aux sommets, comme elle l'a déjà fait avec les champs.

Ce « cumul de mandats » n’existe que grâce à nos moyens de transport et de communication, à vrai dire. Sans voitures et mobilhomes, sans machines agricoles, sans camions-citernes, sans routes calibrées pour ces grosses véhicules, il y aurait beaucoup plus de pauvres et beaucoup plus de potagers. L’économie locale redeviendrait locale.

Et l’argent-essence serait menacé dans son pouvoir réel.

C’est un autre point de désaccord profond entre moi et tous les gens que je rencontre à la campagne, presque sans exception. Ils essayent de mettre le doigt sur les super-riches et les gouvernements. Moi, je mets le doigt sur eux – ils me paraissent déjà super-riches lorsqu’ils ont un salaire moyen.

S’ils choisissent de tout cramer en frais de voiture, ou à passer des années à « retaper la vieille grange » avec des outils de 21iême siècle, c’est leur décision, au singulier et au collectif. D’ailleurs, le choix qui a été fait d’investir dans toutes ces machines et ces industries, c’est devenue une contrainte évidente sur les pauvres de ce monde, qui sont obligés de payer les frais d’accès à des systèmes et des infrastructures qui donnent préférence aux riches.

Sinon, ils sont géographiquement exclus. Interdits de voyager, par pays entier.

Et on le sait, tout le monde ne peut pas être riche comme ça. Même personne. Des micro-états richissimes, entourés de déserts absolus, producteurs de désertification par le gaz, cela va bien plus loin que le symbolique, c'est du réel.

Je me trouve du mauvais côté de la barrière, de la frontière de nouveau – je reviens aux paroles curieuses que j’entends tout le temps lorsque je propose des mesures raisonnées de réduction de nos dépens énergétiques dans le transport rural. « Tu peux pas forcer les gens », « tu ne peux pas les obliger ».

Je propose quelque chose, et on interprète que je l’impose, mais qu’est-ce qui se passe ?!

On aura interpreté une injonction morale comme si c'était une contrainte ?!

Pourquoi est-ce qu’ils ne le choisissent pas, eux, en toute bonne conscience ? Est-ce qu’il y a tabou ? Je suis d’accord que cela va forcément bousculer la hiérarchie existante, mais la survie collective, y inclus celle des riches à la campagne, est en jeu. Pourquoi est-ce que les groupes les plus solidaires, ce sont les coalitions d’intérêt à être laissé tranquille chez soi ?

L’écart entre réalité et raisons déployées est à vrai dire assez complexe. Prenons les retraités – ils connaissent assez bien, de leur enfance, des mondes moins riches et moins développés, au niveau de la consommation des produits industriels – mais l’axe de mouvement qu’on leur a inculqué, depuis ce plus jeune âge, est la fuite en avant vers le modernisme, d’où la plainte souvent réitérée : « on ne peut pas revenir en arrière » - qui est un amalgame d'entre les plus cons, si l’on réfléchit un seul moment.

Ils ont, en réalité, la plus forte motivation, tant idéologique qu’égoïste, de défendre leurs acquis et de profiter pleinement des valeurs « industrie » et « productivisme ». D’autant plus que le confort et la facilité peuvent leur être précieux en termes de simple survie.

Les jeunes générations, qui sont, à l’égard du numérique, des « nées dedans », se dotent de plus en plus d’aspirations envers une nature imaginaire, réifiée. Comme dans leurs vies quotidiennes, leurs « road-trips » à la campagne sont bien dessinés en avant au GPS, ou retissés sur des réseaux sociaux numériques. C’est d’ailleurs pour cela que le plafond de verre écologique est le plus difficile à briser, à la campagne. On glisse sur l’entre-soi performatif des beaux bourgeois. Un jeune de banlieue a entièrement raison de se sentir totalement paumé dans cette société de signes indécodables.

Il y a cet énorme gouffre qui s’ouvre entre le savoir imaginaire et le savoir expérimental. On y va avec des kits de survie personnels, maintenant. Tandis que le meilleur kit de survie a toujours été le rapport avec la population locale et la possibilité de participer utilement à la vie d’un lieu. Cet aspect survivaliste et intégriste trahit notre distanciation avec l’objet de nos désirs. Une population rurale normale ne vit pas dans des bunkers en se déplaçant dans des blindés.

Quête de sens

Encore faut-il qu’il ait lieu – la quête de non-sens a bonne allure dans le sens inverse. Le lieu est en tous cas un colin, ce qui relève de la tromperie en bande organisée, que les restaus du coeur soient prevenus.

Est-ce que l’on pourrait faire une corrélation entre le pessimisme écologique – souvent étiqueté l’effondrisme – et le désir de défendre les choix individuels, narcissiques et égoïstes, contre tout venant. Ce sont, après tout, des boucles fermées.

On remarque aussi l’abandon de la raison, la flemme de réfléchir – également liée au non-sens – au manque d’investissement dans l’avenir. Prenons la décision d’avoir, ou non, des enfants. La raison qui est souvent avancée, c’est de ne pas vouloir faire venir des enfants dans ce monde sans avenir heureux. Cela a l’air « responsable », quand on le formule comme cela. Mais avoir des enfants, c’est s’investir dans le prospectus, dans l’à venir. Ne pas en vouloir, c’est l’abandon de l’avenir à son sort, une certaine renonciation à s’en préoccuper, souvent lié à une idéologie excessivement individualiste. J’ai hâte de m’expliquer, si je dis « excessivement », c’est que ces mêmes gens dépendent de la bonne tenue de la société autour d’eux pour vivre leurs rêves individuels.

Les parents ne peuvent pas nier l’importance des autres, leurs enfants d’abord, mais tous ceux qui les entourent. Il y a des changements hormonaux et cognitifs liés à la parentalité, pour les deux sexes, qui donnent l’évidence de cette réalité perceptive altérée. Alors que tout seul, le comble du désir serait de « se faire plaisir », par des achats de sur-consommateur ?

Le mou se connecte au flou, au doux, à tous ces mots en « ou », à tout ce qui s’oppose au « compliqué » et au « difficile ». L’engagement écologique, l’engagement tout court, est un acte de volonté, une prise de position, un effort, une ouverture envers l’avenir de trop, selon ce point de vue.

Des concepts « pas simples, pas clairs », ou simplement « inconfortables » ? L’écologie est un sujet de brûlante actualité, foisonnant de créativité et de nouvelles idées, est-ce cela qu’on lui réproche ?

Je pense qu’il y a des liens avec notre nouveau monde social technologique, qui encourage le co-con-isme – le fait de se mettre entre cons, dans son cocon.

Je recommande d’étudier les choix fournis par des engins de recherche comme YouTube. J’ai été surpris récemment, en faisant une recherche que j’espérais restrictif et déterminant « films d’auteur français », de voir émerger une série de morceaux, surtout américains, traitant de conspirations mondiales, de gurus indiens et de batailles cybernétiques. L’ordinateur était en train de me montrer les habitudes renforcées de son utilisateur premier. Je me demandais ce qui se passerait si moi, j’y passais un certain temps dessus ? Est-ce que j’aurais finalement ce que cherchais – de la nouveauté non-genrée ? Ou est-ce que je terminerais par devenir hébété et me soumettre aux théories de la conspiration ?

Le conspirationnisme … est finalement l’ultime des détournements de la responsabilité personnelle, il apprend à ne parler que de nébuleux lointains, toujours de mauvaise foi. Si l’on y croit, on croit à sa propre impuissance individuelle, à son échelle, et à douter de tout, surtout de l’utilité positive des groupements politiques.

Il est difficile de mobiliser sur des enjeux écologiques, parce qu’il y a consensus fort à ne pas se mobiliser. Les cerveaux peu disposés à sortir de leurs bulles, de leurs logiques de cercles vicieux bloquants, ne sont tout simplement pas disponibles – devenus intolérants à toute proposition constructive – qui induirait un genre d’angoisse, qui s’appellerait « l’espoir ». Un cerveau borné, fermé, pas ouvert – est-ce un cerveau malade – est-ce qu’il y a des liens entre maladie mentale et appauvrissement social ?

On peut, ici, voir que la conspiration peut exister – pour influer sur, par exemple, les choix présentés sur les réseaux sociaux et les engins de recherche. Il suffit de sauter sur l’espoir chaque fois qu’il naît, de le tuer dans l’œuf, de le faucher à répétition comme une mauvaise herbe qui s’y adaptera à « penser petit ».

La frustration engendrée par ces moyens techniques est connue, manipulée. S’il faut trop de clics, on abandonne. Si l’option « refuser les cookies » est tout petit, ailleurs sur l’écran, on n’y clic pas. C’est une technique également utilisée par l’administration, qui invente des parcours de combattant pour l’accès aux aides de l’état auxquels on a droit.

Cette conspiration dépasse la corruption, bien qu’elle soit d’une mauvaise foi totale. Elle induit la lassitude, elle sape le moral. Nommé « sabotage », mais qui peut également s’appeler « désuétude programmée » ou « conditionnement par la guerre et le conflit aux canaux de moindre résistance ».

Pour moi, la critique, parfois juste sans doute, n’étant pas surhumain, est que je perds souvent le fil.

Bon. Ci-dessus je m’éloigne pas mal du cœur du sujet, qui est l’écologie et la motive. Sauf que je pense que tous ces mécanismes que je décris, qui ne paraissent pas spécifiques à l’écologie, le sont, malgré les apparences …

Ou plutôt qu’elles convergent sur la nécessité d’agir, écologique, comme des traceurs de ligne de feu, pour la neutraliser.

Il me faut bien analyser pourquoi les gens n’agissent pas au niveau des défis écologiques. Je me munis des faits connus. En quelque sorte je suis en position plutôt décontractée. Si moi, je ne réussis pas, personnellement, à avancer, je ne suis pas seul – personne ne réussit, en termes d’infrastructure. Et j’y mets tout, j’essaie tous les combinaisons. Décontracté parce qu’acharné. Le problème – et la solution, se trouvent dans les faits de société qui nous neutralisent, qui éliminent le savoir faire collectif et la confiance.

C’est un phénomène bizarrement universel. Les savoirs faire, les compétences existent, pour la plupart, mais sont dépréciés. Ce serait mieux de les cultiver et de les faire prospérer, mais objectivement, ils sont minés, minorés, ignorés. On me dira que non, en citant des exemples contraires, je répondrai que je les ai tenus en compte, en disant ce que je dis. Petit colibris, grosse connerie.

L’axe de mouvement, au fil des dernières décennies, est résolument vers le bas, plutôt en accélération, toujours vers le bas en moyenne, avec des hauts-le-cœur. Il faut des coups décisives vers le haut pour redonner foi dans l’art du possible aux gens. A la rigueur, ces exemples et cet espoir, il suffit que ce soit une foi froide, objective. Jouer sur les sentiments, on en a eu un peu trop, avec l’écologie.

Pour prendre une annonce ce matin, dans la déclaration de la biodiversité de la COP15 à Montréal, on ne va pas interdire les insecticides, à cause de l’Argentine et du Brésil, il paraît. L’Europe se fait passer pour bon élève, parce qu’elle promet de réduire par moitié son usage d’insecticides, dans une période d’années …

Cela fatigue. Le consensus scientifique depuis longtemps est d’arrêter leur utilisation, toutes, et de dépolluer les sols où on les a utilisées, si possible. On parle de l’influence des lobbies. Ou de l’impact sur le PIB. Ne nous oublions pas, dans cette affaire ! Où est le lobby de « nous, le peuple » ? Pour le moment, il est surtout du côté des pesticides.

Je vais dire des généralités, préparez-vous. Les gens ne votent pas écolo. Ils n’achètent pas bio. Si les politiciens ne prennent pas encore des pas décisifs, c’est qu’ils veulent gagner les prochaines élections – c’est nous le peuple qui dictons la vote politique. Mais tout le monde, ou presque, à l’impression que l’écologie coûte plus cher et se fait à perte – ne serait-il pas le moment de présenter des modèles d’infrastructure écologique gagnants, sur le plan économique ?

Le mode écologique est déjà plus rentable, dans plusieurs cas particuliers, ou il le serait, sans empêchement – mais pour qui – pour les riches, ou pour les pauvres ? Pour le fisc ou pour le humble paysan ? Pour ceux qui ont des voitures, ou ceux qui n’en ont pas ?

De manière plus insidieuse, pour ceux qui dépendent de quelqu’un avec voiture, ou ceux qui n’en dépendent pas ? L’argument est de nouveau plus complexe que la fausse naïveté que nous cultivons le voudrait. Beaucoup de secteurs dépendent du bien-être de l’économie nationale, même européenne, bien plus que de ce qui se passe dans le coin.

On peut l’observer dans le désir de plus en plus prononcé de remplacer le PIB avec d’autres mesures de performance plus adaptées à la réalité écologique. La croissance comme objective, qui mesure le niveau de « l’activité économique », qui augmente avec le dépens et le brassage énergétiques, est une manière de marcher sur la tête, au niveau écologique. Pour une entreprise, ce n’est pas son chiffre d’affaires qui est le plus important, mais son marge et ses profits, au cours du temps. C’est notre cas, sur terre, c’est juste une entreprise comme une autre, avec ses limites et son bilan.

Il suffit, en principe, d’incorporer des mesures fiables de productivité écologique dans le PIB pour arriver à ce bilan. Mais pour cela, il faut aussi apprécier que du côté « frais d’entreprise », cela peut coûter plus cher de produire en France, ou localement, que d’importer de loin. Jusqu’à là, on a tout simplement triché – aujourd’hui, on va, finalement, imposer des coûts liés aux normes environnementaux aux frontières comme on le fait déjà chez nous.

À la base, le train de vie d’un français et donc son salaire est plus coûteux que celui d’un africain. Ne cherchons pas la justification, il n’y en a pas, toutes les théories du ruissellement se fracassent contre le mur de la crise mondiale écologique. Ici on peut noter l’absurdité de certaines opérations d’ONG qui font venir des tracteurs et des experts dans des endroits perdus en Afrique. Ils sont souvent en train d’introduire des coûts fixes qui seront très difficile à assumer pour la population locale.

Quand on le voit de plus près, on voit toutes les opinions reçues qui vont avec. L’idée, à la base, est d’introduire une « qualité de vie », pour ne pas dire une infrastructure, à la européenne. Cela suppose que les africains sont cons comme nos grand-parents, face au modernisme, ce qui est loin d’être sûr, mais facile à entretenir comme mythe, médiatiquement.

Selon cette fausse logique, le tracteur, par exemple, épargne la pénibilité du travail physique. Peu importe que, du travail physique, on est riche en ressources, si on est pauvre. Qui dirait non, à ce moment-là ? Un africain n’est pas différent des autres humains sur la planète, il aspire au confort de vie comme tout le monde, et les exemples de consommation à la européenne, ou à l’américaine, sont mirobolantes (?!). D’accord, il ne ferait pas comme ça si on lui laissait le libre arbitre – il y a mieux à faire avec son argent si on a peu, mais il ne dira pas non et il s’adapte aux vœux de ceux qui détiennent les reines du pouvoir. Le pouvoir est parlant, on fait avec, pas contre.

Au final, c’est les tâches à accomplir qui comptent, pour les gens, peu importe l’idéologie derrière. Ou plutôt, la croyance dans le bon fondement des idéologies derrière augmente, dans la mesure que les tâches utiles pour les matérialiser existent et sont faciles d’accès. Selon ces narratives, les chinois et les russes établissent des têtes de pont en Afrique à cause de leur pragmatisme, leurs théories de pouvoir ne peuvent que se renforcer de ce fait.

Il est utile de décortiquer les motivations et les justifications des gens, de manière plus générale, mais si on ne fait que ça, avec peu de progrès dans le concret, cela donne une charge mentale qui devient pénible.

Si l’on réunit tous ces trains de pensée, on voit qu’au niveau du PIB, tout comme au niveau de l’individu, et d’autant plus qu’il est pauvre ou qu’il exerce une profession manuelle ou pénible, la vie d’hyper-consommation paraît attractive. La productivité par hectare peut même être inférieure à une production manuelle, ce n’est pas cela qui compte, c’est la production personnelle. Les hectares, on les irrigue. S‘il a accès à un outil à main qui démultiplie sa force de travail personnel, il est normalement partie prenante, même si ces instruments, ces machines, sont vastement inefficaces, énergétiquement, par rapport aux efforts humains. Sa « productivité » l’enrichit, jusqu’au point que lui – sa surconsommation personnelle – coûtent plus chers à l’environnement que même les machines employées.

Les ONGs qui introduisent ces paradigmes dans des sociétés pauvres sont pour le moins anti-écologiques.

Quels seraient les biens compensatoires écologiques qui pourraient remplacer la sur-consommation, comme appât ? J’opine qu’en toute probabilité, ils n’existent pas, jusqu’à là au moins. La crise déferlante de l’écologie, par contre, elle existe, et elle épuise très rapidement les ressources que nous surconsommons. Ou par la hausse des prix, ou par la rareté de ressources, nous nous verrons, nous nous ne voyons déjà contraints à moins consommer. C’est plutôt de ce côté-là, ce côté contraignant et négatif, mais impossible à nier, que les gens seront motivés à réduire leur consommation.

Et c’est à partir de là qu’on peut reprendre les idées du début de cet écrit. Les gens détectent, dans l’écologie pure et dure, des éléments de contrainte et d’obligation. Là où ils font l’erreur classique humaine, c’est en essayant de personnaliser leur désapprobation - « tu ne peux pas obliger les gens à … », « c’est ton choix » (et moi le mien, sous-entendu). « Par quel droit, tu choisis de participer à la destruction du monde, du monde qui ne t’appartiens pas à toi seul ? », j’ai envie de répliquer.

Cette crise est indépendante de ma personne et ma parole, et elle ne montre aucune signe de disparaître. Plus tard on agit, plus dur va être l’action remédiable à entreprendre.

Tout autre message est malhonnête. D’ailleurs, on le voit, avec l’évolution de la rhétorique contre l’écologie. On a commencé avec les climato-sceptiques – on n’en voit presque jamais maintenant, ce n’est plus la peine de nier ce que tout le monde observe, ni la fiabilité vastement améliorée des prévisions météos … et climatiques. On est passé donc à l’effondrisme. Nous sommes tous foutus (sur-enchère sur les prophéties de « l’Armageddon si l’on n’agit pas » des écologistes). Cette fois-ci, les bases sont rationnelles, en apparence, et réconciliées avec l’opinion des experts en écologie.

En réalité, il existe une position d’éco-optimisme tout-à-fait défendable – il suffit d’agir dans le bon sens pour ouvrir de nouveau les possibilités. C’est à ce moment-là que l’effondrisme montre son talon d’Achille. L’effondrisme va plus loin que les prédictions d’un futur glauque et sans espoir pour l’humanité. Il insinue que si l’humain est foutu, c’est bien parce qu’il le mérite et parce qu’il est incorrigible que c’est perdu d’avance.

Ceux qui étaient les écolo-sceptiques trouvent ici toute possibilité de résurgence. Il suffit de représenter les humains, socialement, comme des boulets immuables et incorrigibles pour que tout soit, de nouveau, foutu (cf. films comme Idiocratie, Morons from outer space). Le bonus, c’est que cela libère la conscience – il n’y a plus aucun obstacle à l’individualisme, pour ne pas dire l’égoïsme absolu. Il y a des entreprises entières du 440 qui vivent sur cette prémisse – ils augmentent les possibilités de « vivre dans sa bulle » – si on a les moyens. A un niveau plus personnel, toute entreprise de bien être et de thérapie individuelle évite l’une des questions cognitives de base – est-ce qu’on a raison d’être content de son impact sur le monde extérieur à soi ? Si on arrive à couper tout lien, tout remords ? Jamais compris cela …

Et pendant ce temps, même ceux qui sont en profonde incohérence avec leurs savoirs écologiques évoluent. Il est vrai que le cadre conditionne tout.

lundi 19 décembre 2022

Je me suis fait plaisir …

J’ai besoin d’un petit break pendant les vacances d’hiver.

Il est urgent de ne rien faire

J’ai l’image en tête de deux marmottes … qui se lancent dans le « competitive digging », chacun creuse son trou en rejetant de la matière frénétiquement, jusqu’à disparaître, aux yeux de son rival et du monde qui l’entoure. Une petite victoire. Des autruches viennent jeter un coup d’œil dans les cratères ainsi créés … et s’y coincent la tête …