mardi 15 juin 2021
pyralemite en eau
C’est l’une des « vaches sacrées ». « Place aux femmes ». On vient de le dire à la radio. Suite à un morceau sur la tentative de suicide d’un mari. Je ne sais pas si c’est encore vrai, mais depuis les années 1990 il y a beaucoup plus de suicides d’hommes en Europe que de femmes, beaucoup plus de suicides de femmes en Chine que d’hommes. Lorsqu’on parle de discrimination, tenons ces équilibres en tête, de manière non pas sexiste, mais humaniste. Parler constamment de féminicide, comme si la violence devrait rester entre hommes, c’est quand même très discriminatoire (*j’utilise le mot « discriminer » dans le sens populaire qu’il a pris d’« injustement discriminant » pendant tout cet écrit). Surtout si les hommes souffrent plus de violences et de menaces de violence que les femmes. Il y a besoin de discernement et de compassion. A cet égard, la compassion des femmes pour les hommes est « étonnante ». Si l’on croyait la rhétorique féministe pure et dure, on croirait qu’ils ne la méritaient pas et qu’en disant le contraire, on se mettait dans le camp de l’extrême droite. Du point de vue d’un homme, la compassion des hommes pour les femmes n’a rien d’étonnant. On peut même y détecter un certain intéressement. La compassion des femmes pour les femmes est donc également compréhensible. Si les hommes occupent souvent des postes « régaliennes » où ils encaissent, cela peut être parce que les femmes veulent bien les y mettre.
Finalement, tout cela est très très sexiste. Un sacré pot pourri de messages contradictoires. Mais reprenons. N’est-ce pas un peu normal que les hommes cherchent l’amour des femmes et que les femmes cherchent l’amour des hommes ? On ne peut pas vraiment en vouloir aux deux sexes de chercher la douceur et la bonne volonté dans l’autre. C’est la norme uniforme qui est en cause, où la fonction de la femme est d’être douce et attractive et la fonction de l’homme est d’être fort et dominant, le fait que ces rôles qui opèrent fréquemment dans la vie entre les sexes soient des applications rigides générales – des camisoles de conformisme.
Mais dans ce cas, il faut quand même comprendre et accepter que la norme est appliquée – ou non – par les deux sexes. En démocratie représentative, nous choisissons nos maîtres – souvent en leur dictant ce qu’il doivent faire. Il paraît que le corps de votants femmes est plus conservateur, socialement, que celui des hommes – que le suffrage universel a plutôt favorisé le maintien des archétypes sociaux qui restreignent le rôle des femmes – et des hommes.
Ou prenons l’écologie. Le confort et la sécurité, la préférence aux familles, aux femmes et aux enfants, n’est-ce pas que ces facteurs priment très largement sur des sujets plus vastes et apparemment abstraits, dans un cadre sexiste ? On peut prendre comme exemple Angela Merkel, souvent caractérisée comme une sorte de grand-mère qui évite d’envenimer la situation. On dit qu’elle fait avancer l’agenda écologique ainsi. Il faut donc croire que le fait d’être encore une économie basée sur l’industrie automobile et les centrales à charbon est progressiste, écologiquement. J’y vois plutôt que la paix sociale, elle a son prix écologique, qui est, dans le fond, de ne rien changer dans les délais qui sont exigés par notre réalité physique encadrante. En toute logique, il faut briser ce consensus, d’urgence.
Cependant, j’ai du mal à en vouloir à Merkel et ses turcs. Serait-ce que c’est parce que je suis moi-même conditionné par « la préférence féminine » ? Barak Obama est moins à l’abri de la critique bien fondée, pour n’avoir pas fait assez qui était vraiment au niveau, alors qu’il avait beaucoup de marge. Par contre, Margaret Thatcher est vilipendée, elle qui n’a pas cherché à ménager ses mots et qui a joué un rôle qui nous est aussi familier, la femme de fer. Suivant la règle de toujours se situer par rapport à l’archétype.
Prenons un autre genre d’exemple, très contemporain. On vient de dire à la radio qu’il y a une exposition qui s’ouvre exclusivement réservée aux œuvres des femmes. En fait on est en général en train de revisiter toute notre histoire pour redécouvrir les femmes qui en ont été occultées. C’est même une industrie naissante, qui promet du boulot. Il y en a beaucoup plus qu’on ne croyait. Ce n’est pas de l’imaginaire. La normalisation de la société selon des typifications a été farouche, pendant longtemps. On a systématiquement éliminé des langues et des cultures et ce n’est pas terminé. Les femmes y ont joué leurs rôles – il y a une illogique profonde à ne pas les tenir responsables tout en condamnant la culture des hommes. A accuser les supposés dominants, également dominés dans leur vaste majorité. Pourquoi se désolidariser, quel sens a-t-il ?
Si l’on identifie les femmes – et en général les catégories historiquement dominées – avec la possibilité d’avancées politiques que les hommes ne sont plus en mesure de pourvoir, c’est un amalgame discriminatoire en soi et plutôt dangereux pour nous tous. Si l’on crée un front de divers groupes discriminés, souvent de manière contradictoire d’ailleurs, on ne fait pas mieux. Joe Biden nous a coupé la terre sous les pieds à cet égard, tant mieux. Mais la combinaison avec sa vice-présidente, noire et plutôt de droite, nous donne encore un exemple de l’alliance politique homme-femme qui marche si bien – pour des raisons sexistes, mais à laquelle les féministes dogmatiques paraissent volontairement aveugles, en public. John Stuart Mills peut manger son chapeau.
« Derrière chaque homme de pouvoir il y a une femme méconnue ». Dans le cas de Margaret Thatcher – ou de la reine d’Angleterre, cela a été plutôt le cas inverse. Cela étaie mon thèse que l’aspect combinatoriel de la logique sociale – c’est-à-dire politique – humaine ne peut pas s’ignorer, en toute bonne foi. Cependant, c’est ce que font souvent les féministes. Par exemple, le prix de la liberté féminine individuelle est l’insécurité sociale de beaucoup de garçons de mères solitaires. C’est comme un grand point d’aveuglément dans la politique contre les féminicides. Quelle est la reconnaissance donnée à ces garçons, dans leur état de droit ou de non-droit, de dignité et d’indignité ? S’ils se trouvent « désocialisés » ou souvent stéréotypés comme des voyous ingérables, n’est-ce pas qu’en membres du foyer des « femmes discriminées » ils sont autant discriminées … ou pas, puisqu’ils doivent forcément vivre le niveau de discrimination du ménage dans lequel ils vivent ? Sont-ils féministes ?
Si l’état les prend en charge, prenant « la place du père », est-ce que cela les aidera à trouver un rôle social adéquat, au titre du monde privé et intime ? Le plus incongru, dans cette discrimination non-déclarée devenue massive, est que ces garçons sont plutôt formés aux normes exclusivement féminines, chez eux, tout en étant tenus pour les « petits hommes » auxquels rêvent leurs mères. Leur expérience de l’autorité peut se révéler presque exclusivement féminine – les métiers du « care » et de l’enseignement étant massivement occupées par les femmes. En quoi est-ce que cela les aide, à ces unités familiales, si on les nourrit de caricatures stigmatiques de l’homme oppresseur ? Cette schizophrénie sociale laisse imaginer que ceux qui prennent le sentier du renégat viriliste et ceux qui prennent le sentier de l’homosexualité ne sont que les deux faces de cette marginalisation identitaire sociale. Remplacer la primauté du pouvoir masculin par le pouvoir féminin, c’est ...
Je rajoute que si je n’ai pas traité le cas des filles de mère seule – ou en famille reconstituée – ou tout simplement en famille avec père absent, ou presque absent, c’est plutôt pour créer une image nette basée sur un exemple, sans y consacrer des pages et des pages. Disons que là où la dérive devient absolument frappante, c’est au niveau de la collectivité humaine. On peut critiquer le père absent, la femme au foyer, mais dans ce cas, constituer des pans entières de la société majoritairement monoparentaux, en remplaçant des concepts de primauté mâle par des concepts de dominance féminine, est également à déprécier – et pour à peu près les mêmes raisons. Bref, cela ne fait qu’enfoncer le clou. Il y a une incohérence foncière dans ces pensées dites féministes, mais peut-être surtout au sens qu’elles mettent en jeu les droits humains collectifs et solidaires – entre autres le droit à son identité, sa culture, etc ; … de l’enfant et de son entourage.
Essayons de voir la chose un peu objectivement, à distance. La femme forte est un archétype presque aussi répandue que la femme tendre et soumise – mais en réalité, les femmes ne sont pas très fortes et les hommes non plus. Ce sont les projections de force qui comptent, un peu comme les charges de gorille. Ce sont aussi les conventions sociales – les interdictions et tabous sur la violence réelle. Joe Biden n’est pas très fort. Gare à celui qui touche à un cheveu sur sa tête. Macron « le prend comme un homme » … sauf que non – tout est cinéma social – tout dépend de la réaction des autres – pluriels. Jouer au plus fort, c’est vraiment juvénile. Il n’y a vraiment aucune indice qu’un « chef » – militaire ou civil – est un meilleur chef parce qu’il est physiquement plus fort ou plus agressif. Macron a un grand désavantage à cet égard, en jouant les cartes de la jeunesse et la vitalité personnelle, il insulte ceux qui sont moins à niveau – il devient lui-même son propre « champion », erreur cardinale – il s’est coupé sa cordée.
Dans la même veine, ces critiques du féminisme devenu incohérent n’ôtent en rien la justice d’une critique de la société machiste. C’est juste que ce machisme n’a pas l’air de disparaître, pour autant, peut-être parce que la fabrique sociale a juste laissé un grand vide là où il y avait une certaine cohérence – une cohérence infecte, basée sur les symboles de force majeure, mais une cohérence quand même.
C’est en tous cas mon ressenti. Ici j’injecte une note à propos de ma propre socialisation, c’est le monde à l’inverse de l’orthodoxie conventionnelle que je tente de décrire. La culture de ma famille est plutôt Quaker – pacifiste, bien que je n’ai jamais été ni l’un ni l’autre, fils aîné de mère seule, etc. En général, le milieu social de mes aînés a consisté en mères très largement dominantes – qui travaillaient – et de pères très assimilés aux rôles familiaux. Paradoxe numéro un. Je suis donc assez bien placé pour commenter ces anomalies sociales émergentes dont je suis à la fois le témoin et le produit.
Les Quakers représentent un cas très intéressant. Ils ont établi le droit, il y a trois siècles et demie, de ne pas se battre pour le roi. On voyait mal l’exécution en masse de gens voués au pacifisme. La situation était un peu délicate, on venait d’expérimenter une guerre civile et une régicide en Angleterre, dont les Quakers ont été, religieusement, des figures de proue. Ils étaient strictement égalitaires (homme-femme aussi) et il n’avaient pas de prêtres. Leurs services religieux étaient plutôt des séances de méditation, ouvertes à tous, silencieux pendant des heures sauf si dieu inspirait quelqu’un à parler, sans aucune signe religieuse. Étant strictement bibliques et tenus à leurs parole, à la pauvreté et à l’amitié entre tous (leur vrai nom est « La Société d’Amis », ils étaient de l’avis qu’il fallait juger les gens par leurs actes, pas sur parole, puisque personne ne pouvait savoir ce qui se passait vraiment dans la tête de l’autre et ils étaient donc les premiers laïcs systématiques de fait, entre autre.
Il est important donc de souligner que là où beaucoup d‘entre nous disent que l’homme est un loup pour l’homme, que le pacifisme ne marche pas et qu’il faut toujours un chef, il existe, dans notre société occidentale, la preuve du contraire, depuis plusieurs siècles. Le secte continue d’exister, si ses valeurs d’origine existent bien moins – mais assez invisiblement puisqu’ils sont voués à la modestie, bien que Voltaire en a fait la lancée de sa carrière littéraire. Les français ont tendance à penser qu’on parle ici de l’histoire de l’Angleterre puritaine, ou dans une ignorance encore plus profonde, que les Quakers sont américains – ou céréaliers. Mais c’est probablement dans leur impact sur l’Âge des Lumières en France, la puissance dominante de l’époque, à travers les écrits de Voltaire, qu’ils ont eu l’impact historique le plus profond. Sans parler d’Henri IV et d’autres tendances sur le continent européen qui les ont précédés et fortement influencés. Il nous faut noter que le passage du bâton entre divers pays des idées progressistes était, il paraît, très efficace à cette époque-là, malgré les tentatives de censure. Est-ce qu’on est mieux doté aujourd’hui ?
Je parlais de mon ressenti. C’est surtout que je suis entouré de réactionnaires, de droite, de gauche, de partout, c’est très pernicieux. J’ai un livre de textes choisis sur l’anarchisme, qui ne parlent que de prêtres et du droit à la violence personnelle, c’est très étrange. Il y a, il semble, des oppresseurs partout, on n’a qu’à être violent à son tour. Le courage, c’est de se défendre. La lâcheté, c’est de ne pas se défendre. Ici je mentionne l’anecdote qui a lancé le fondateur des Quakers sur son chemin – dans un tribunal il a refusé de vouvoyer le juge et a été condamné à cent coups de fouet. Les ayant reçus, face au prisonniers rassemblés, il en a demandé cent de plus – puisqu’il n’allait pas pour autant vouvoyer le juge. Je ne le sais que par Voltaire, pas de culte des personnalités dans les Quakers.
Je suis même un peu critique de ce « courage », bien qu’il sert à séparer la violence des brutes du courage « noble ». Pour moi, le vrai courage, c’est celui des lâches, dont je suis. D’ailleurs, dans tout conflit sérieusement brutal, on n’entend que ce qu’a dit Fox (fondateur des Quakers, sans aucune ascendance noble). Aux actualités, un reporteur mis en prison en Algérie pendant plusieurs mois accepte d’être remis en prison, si c’est cela le prix de la liberté. Thoreau, l’un des fondateurs du concept de la désobéissance civile, a dit (et fait) le même. Je pense que dans le fond, le fait de « faire », dans le sens souvent de subir des épreuves épouvantables, est la preuve de la vérité de ce que l’on prétend, pour l’audience politique. N’étant pas ou peu exalté, comme Fox a la réputation de l’avoir été, je ne trouve que du dégoût pour le martyr et l’ordalie – qui s’imposent néanmoins sur nous, si nous voulons bouger le monde et retrouver de l’amour pour nos prochains.
Le premier écrit du livre anarchiste que je lis rapporte les dires de Diogène, dit « le chien » - une appellation qu’il a lui-même choisi. Alexandre le Grand lui a demandé un jour de lui dire ce qu’il voulait, il le lui donnerait. Le chien a répondu « ôtes-toi de mon soleil ». Le fils de Philippe a bien calculé son offre, il paraît. Il y a des fortes similitudes entre cet anecdote et celui, raconté par Voltaire, sur George Fox. Notons que Diogène n’était pas chrétien, il existait trois siècles avant la venue du supposé messie.
L’autre écrit dans le livre qui m’a touché est celui de Jean-Paul Marat, connu pour (la peinture de) son atroce mort dans sa baignoire aux mains de Charlotte Corday, pendant la Terreur de la Révolution Française. On peut dire, de l’écrit, qu’il laisse entrevoir pourquoi on a pu être motivé à le tuer – au nom de la révolution (!). Il s’attaque à peu près frontalement à tous les concepts que je viens d’énumérer. Il est décidément anti-chrétien – j’aime bien sa mise en cause caustique. Je cite la préface à l’écrit :
« Toutes les religions prêtent la main au despotisme » et le christianisme est présenté comme celle qui s’y emploie avec le plus d’efficacité et de zèle .
Ce n’est pas le cas par rapport aux Quakers, il me semble. Étant scrupuleusement religieux – chrétiens – et anti-hiérarchiques dans leurs pratiques, ils ont créé le plateforme – à travers le écrits de Voltaire en premier, pour la révolution dont Marat était l’un des luminaires.
Étant athée et plutôt de culture scientifique moi-même, cette preuve du contraire me suffit pour invalider la thèse de Marat, mais néanmoins de reconnaître l’intensité de l’enjeu à son époque – et depuis, en France. Conjoncturellement, Marat peut avoir eu raison, pour une fois je ne juge pas (mais pas plus). Globalement, il ne l’a pas. D’ailleurs, il ne me paraît pas efficace d’éliminer les modérés (sens : « gentils ») en polarisant les conflits et en leur donnant l’étiquette de « radicaux ». L’histoire saccadée de la France au dix-neuvième siècle est à l’image de la révolution, dans ce sens – un énorme coup de barre à gauche suivi d’un énorme coup de barre à droite, de manière répétée, un pays qui ressemble parfois à un énorme champs de bataille – et ceci depuis le Moyen Age, à vrai dire.
Tenons en compte que le même ordre de critique peut être fait contre Oliver Cromwell dans la révolution anglaise, dans sa brutalité « inécessaire » contre les irlandais catholiques, lui étant plutôt très humaniste dans la plupart de ses décisions et réflexions, que contre les opérateurs de la génocide dans la Vendée pendant l’époque révolutionnaire française un siècle et demie après. Le lien n’est pas aléatoire – beaucoup de combattants irlandais catholiques ont afflué du côté des Vendéens – allez voir pourquoi.
Une autre contre-partie au point de vue strictement pacifique (pacifiste donc) est donné par Edgar Morin, qui a reconnu deux grandes erreurs dans sa vie, celle d’avoir été pacifiste face aux Nazis dans les années trente, celle d’avoir été communiste pendant une période après la deuxième guerre mondiale. Or, les Quakers étaient très influents, du côté de l’apaisement pacifiste entre les deux guerres. Mon grand-père est même allé en Allemagne, sur une mission de paix, selon mon histoire familiale. On peut dire après-coup que les Quakers et leur extrême renonciation de la violence ne pouvaient exister que dans un cadre de maintien actif de la paix de la part d’autrui – ces derniers n’étant pas pour autant des « violents ». Il y a analogie ici entre le rôle habituel des femmes et celui des hommes, dans une politique de sexes stéréotypée. Les femmes peuvent sanctionner, ou refuser, la violence entre les hommes. La différence entre un ministère de la défense et un ministère de la guerre n’est finalement qu’une différence d’apparence. C’est un peu la thèse entretenue par Marat – c’est en tous cas ce qui a paru justifier la Terreur. Si l’on accepte cette thèse, on peut cependant avancer d’autres raisons pour invalider la méthode « terrorisme d’état » - principalement en disant qu’en brutalisant la population, en s’habituant soi-même à utiliser la violence, sans tabou, on favorise la violence comme méthode et on empêche le bon fonctionnement d’une société civile et digne.
Chemin faisant, il y a besoin de faire abstraction des buts conjoncturels et intéressés d’une politique, pour les remplacer par l’intérêt général et l’état sociopsychologique général d’une société. On devient très vite ingénieur social, avec des calculs expédients qui ne sont pas satisfaisants, même en termes des résultats. Prenons les Cathares, qui marchaient au bûcher, apparemment sans peur, pour être engouffrés dans les flammes. Ce sont d’autres représentants de cet élan, qu’on croit moderne, ou chrétien, d’extrême pacifisme – ils étaient contre la peine de mort, par exemple. On peut dire que cela n’a pas marché. Quelques siècles après, il n’existe guère de livres cathares, guère de langue occitane, et une civilisation à la fois plus riche et plus éduquée que celle de ses conquérants a été à peu près totalement remplacée par des rugbymen qui vivent dans des bastides et votent à l’extrême droite (je demande pardon, je suis lâche). Il faut néanmoins observer que ces faits ont eu lieu dans un cadre civilisationnel beaucoup plus large où, par exemple, les chrétiens ont oblitéré les musulmans – civilisés – sur la péninsule ibérique, où les principes de l’absolutisme centraliste (de grands états despotiques) étaient déjà en train de reprendre racine.
Un autre exemple plus nuancé de notre incohérence sociétale par rapport à la violence vient à l’esprit. Un officier dans la guerre d’Algérie dit n’avoir aucun remords (interviewé à la média en 2001, il me semble) de lui-même avoir exécuté sommairement et illégalement 25 « terroristes » algériens. Dans la deuxième guerre mondiale il était dans la Résistance, où on avait l’habitude d’abattre des collaborateurs sommairement, de la même manière. On mentionne en passant qu’Edgar Morin a été dans la Résistance et qu’il ne l’a pas compté entre ses erreurs.
L’idée réunificatrice de tous ces exemples est un peu « c’était la guerre » ... que dans des circonstances extrêmes, il faut des comportements extrêmes et que même s’il ne le faut pas, cela arrive et il faut y faire face. Mais dans ce cas, on peut faire une boucle logique complète et dire que les vrais héros sont ceux qui refusent de se battre ou qui s’opposent aux atrocités – ils y font face sans aucun doute – c’est les modérés qu’on tue en premier dans une guerre sans quartier . Depuis bien longtemps, ces débats existent, les trancher relève du type de civilisation que nous voulons, qui nous convient et qui peut durer plus que des faits ponctuels. Étant donné le peu de temps que l’humain moderne existe, il est tout-à-fait possible que de nouveaux modèles bien plus viables que le présent peuvent se créer, pour contrer l’inévitabilisme extrémiste de notre époque.
J’aime bien faire de très longues digressions, c’en était une. Le titre de ce que j’écris, pour me rappeler à l’ordre, est « le féminisme et la post-anarchie ». Je crois que j’en ai parlé, dans ma digression, de manière très pertinente ! N’étant pas anarchiste, mais étant souvent accusé de l’être, je suis cependant plutôt dégoûté (oui ce mot redevenu populaire) du livre « La Bible des Anars » - je n’y vois pas du tout, par la sélection des textes, une bonne représentation de l’anarchie politique. Faire « à sa tête », être libertaire, violent, anti-social, c’est la caricature de l’anarchie, utilisée pour la condamner. L’anarchie est l’absence d’autorité hiérarchique, pas l’opposition (la réaction) à l’autorité hiérarchique. On peut dire que le monde naturel n’a jamais eu de roi, il s’est « auto-organisé ». Il ne manque donc pas d’exemple concret de la réussite de l’anarchie – nous sommes là grâce à l’anarchie – en tant que système. La Bible des Anars est vraiment inflammatoire – elle choisit de citer sur la couverture, de Kropotkine, l’un des plus forts avocats de l’écologie anarchique, connu pour son humanisme « les libertés ne se donnent pas, elles se prennent », quelle ânerie, hors contexte.
Mais même l’écrit choisi d’Etienne de La Boétie me désillusionne, il fait équivaloir le fait d’être vigoureux dans sa propre défense avec le fait de ne pas être un couard – c’est une lecture qui reprend « De la Servitude Volontaire » de manière qui m’est très négative. J’aime bien servir aux gens, anticiper leur plaisir. J’aime bien faire partie de la société et ne pas être aliéné de mes pairs, même si ce n’est pas gagné. Si le but de l’opération est d’améliorer ou au moins de rendre plus consistent le monde dans lequel on vit (que ce soit en s’y adaptant ou en le changeant), il ne faut pas en faire un monde social dans lequel on tolère n’importe quoi pour les autres en ne pensant qu’à soi.
Je lis La Boétie à tort et de travers de nouveau, puisqu’il dit à la fin : « Soyez résolus à ne plus servir, et vous voilà libres », mais il le dit par rapport au tyran, sur lequel il s’est fixé – c’est compréhensible, il n’a que dix-huit ans au moment de l’écriture. C’est juste que parfois un « symbole d’autorité » ne veut même pas d’obéissance et les gens vont quand même se rechigner contre sa « dominance » - ce qui veut dire peut-être qu’ils aimeraient bien le pouvoir pour eux-mêmes, fin de compte. Le mot « servir » a au moins deux sens. L’expression « servitude volontaire » a au moins deux sens.
Autant vaut pour l’anarchie – qui, il paraît, ne l’est jamais. Le vrai sens de l’anarchie en France, c’est l’insoumission aux despotes … et plus loin, à toute autorité, ce dernier étant un non-sens. D’abord parce que cela devrait s’appeler l’anti-autoritarisme. Ensuite parce que le sens stricte du mot autorité ne veut pas dire « autorité arbitraire » – il peut simplement vouloir dire « convaincant » ou « qui induit l’écoute et le respect, sans même le chercher ».
Les Quakers paraissent faire à peu près toutes les choses requises par cette philosophie anarchiste, tout en étant strictement fraternels, religieux, anti-despotiques, égalitaires … et bons gestionnaires. Ils savent que l’homme et la femme sont libres. Ils ne passent pas leur temps à tester les confins d’une prison non-existante pour s’en échapper, bien que …
Analogiquement on peut critiquer les cathares pour leur dédain supposé de ce monde, en faveur du monde de l’au-delà (chair versus esprit), mais une autre interprétation serait que militer pour le bien dans ce monde donne la liberté … (de conscience, d’esprit) et qu’on se fie à une propagande de leurs ennemis en croyant qu’ils croyaient cela, de la manière qu’un philosophe imbu de catholicisme l’interpréterait. Dans les faits, les cathares se sont combattus, dans les faits, leurs parfaits et leurs « bras armés » étaient solidaires, frères et sœurs, jusqu’à la fin – et au-delà, un petit oiselet vient de me le dire. Si la France d’aujourd’hui n’était pas juste du côté des vainqueurs, elle reconnaîtrait que les francs, c’étaient ce qu’on appelle les allemands aujourd’hui, que sa civilisation, comme celle des anglais, est une société mixte – fusion, où la meilleur partie a appris à rester sous les radars sauf en temps de grave nécessité comme dans les mythes d’Arthur que nos deux pays partagent – à travers les mythes celto-britanniques et non pas gaulo-germaniques.
Pour la partie féministe de cet écrit, j’essaie de démontrer que ce n’est pas en jouant les stéréotypes et en discriminant les hommes – de manière active ou passive – qu’on promeut la cause des femmes, ni des hommes, ni surtout de leurs enfants. Si les femmes peuvent être très violentes, comme les hommes (exemple : les bataillons de femmes combattantes russes dans la deuxième guerre mondiale) de manière directe, c’est tout le monde qui peut l’être indirectement – mais vraiment tous. Vivre en démocratie libre en maudisant ses gérants – sans agir autrement, est un bon exemple – oui, le féminisme version présente fait exactement cela. Je raconte l’exemple d’une partie de mon expérience personnelle avec les conséquences de ce mouvement pour démontrer qu’il peut servir à créer de la violence structurelle, parce qu’il est dans le fond devenu injuste et intolérant à l’instar des systèmes qu’il critique. Et on est dans le pays de « Aux armes, citoyens ! » ou chaque action indigne provoque une réaction indigne, d’habitude adressée contre les plus faibles et démunis – Marat, réfléchis-y, outre-tombe.
La vaste distraction politique que représente cette concentration sur le féminisme et les autres discriminations groupales, sous la rubrique, toujours, de la violence, n’est pas cathartique, mais inflammatoire. Dans une vraie guerre, la réaction spontanée des gens est la solidarité de la population concernée, pas la discrimination systémique. Première ligne, deuxième ligne, troisième ligne … et les dernières en ligne ? C’est normalement le « sale boulot » de l’ennemi de briser notre solidarité. Autant pour la Covid que pour la crise écologique, notre solidarité est plus que fragile et ce disant, il me vient à l’esprit que nous nous voyons plus en ennemis qu’en amis. Que l’histoire se répète … le « boom » de la consommation recherché à la sortie de notre confinement confirme de nouveau l’exclusion des plus pauvres, encore une gifle, peut-être la gifle de trop.
Avec cette lecture des faits, on peut mieux cerner les origines de ces comportements politiques apparemment irrationnelles. Autant pour la Covid que pour l’écologie, ce sont principalement les riches qui portent la responsabilité. Leur peur d’être tenus pour coupables est contagieuse. En plus, ils sont dans un piège : même s’ils éliminaient les pauvres, cela ne solutionnerait pas le problème structurel que représente leur excès de richesse – il n’y a pas de vrai bouc émissaire sur place. Ils délestent le vaisseau – il y a abondance de richesse – en essayant de distribuer la largesse là où cela peut pacifier le forces les plus vives et dangereuses, ils s’inventent des liens d’affect avec les groupes discriminés qu’ils désignent, dans le vain espoir de se forger des alliances et en ce faisant, leur trouille devient de plus en plus manifeste. Accuser les étrangers de tous les maux est aussi une manière magnifique de ne punir personne qui compte – mais la guerre externe inventée est encore plus satisfaisante à cet égard.
C’est jouer avec le feu lorsque votre souffre douleur est encore plus inadéquat et prêt à l’hyperbole que vous. En tous cas, il n’y a pas d’étranger, il est chez nous et partout.
Les outils de dominance – le contrôle social, l’avantage matériel, deviennent des vrais dards envenimés – si tu ne peux pas acheter les gens qui savent compter, qu’est-ce qui te reste ? Dans ce sens, on se prépare déjà pour un vrai changement de régime, pour cela que le « nudge » de première ligne, deuxième ligne, etc., mène, lexicographiquement, à la fin de la lignée des marketeurs mensongers.
L’élection présidentielle au Pérou, un pays que je connais bien qui attire rarement l’attention ici, est devenu un focus de l’attention en France parce que justement elle se fait entre l’extrême gauche (entre guillemets) et l’extrême droite (sans guillemets – une sosie de Marie Sous-lieutenante le Pen, ou l’inverse, peu importe). Il paraît que la Gauche va gagner. Est-ce qu’on est content ? Normalement, Macron met la barre à l’extrême droite à peu près un an avant l’élection (mais il échoue, on rejette sa législation, quelle honte) pour gagner le centre avec des mesures conciliatrices ou proposées « à gauche » un peu plus tard. Cela part en vrille. Les nudges, c’est un désastre, ils veulent dire « il n’est pas honnête et il nous prend pour des cons », alors qu’il nous prend honnêtement pour des cons.
Et on a éliminé la gauche – le pays dépend cent pour cent sur la stratégie de s’enrichir sur le dos du monde. Il n’y a pas de plan B. Les pauvres ici votent pour les riches – ils ne sont pas cons, il n’y a pas d’autre remède. Même Biden ne sait pas mieux faire que de réunir les pays riches et de secouer les milliardaires pour que des bit coins leur tombent des poches. Les milliardaires comprennent que c’est la fin de la ligne pour eux sinon – ils ne sont pas cons non plus – et de l’argent, ce n’est pas ça qu’il leur manque.
On peut supposer que les pays pauvres n’y voient même pas leur intérêt – avec raison, puisque leur seule vraie fonction est de se faire dépouiller du peu de richesse naturelle qui leur reste. Pendant le Covid, les pays riches ont oublié d’être solidaires même avec les oligarchies de ces pays, en leur refusant l’expatriement en cas de grosse merde. Ces oligarchies se trouvent le dos contre le mur, face à des populations locales de plus en plus ingérables, parce que chaque fois plus désespérées, sans prospectus d’avenir. Chouette pour eux deux.
Et tout cela a l’air de venir de nulle part, comme si on ne s‘y attendait pas – alors qu’on s’y attendait bien. Voilà l’impasse dans laquelle se trouve l’élite française et mondiale, tôt ou tard. Il est temps de chercher l’homme – ou plutôt la femme providentielle. C’est logiquement la cheffe d’Oxfam France – Cécile DuFlot – qui n’a pas du tout l’air d’en avoir envie. Emmanuel Macron, malgré sa jeunesse, est virus-contaminé – il n’est pas, même plus du tout providentiel – pas présidentiable donc. Et pourtant, il en avait tous les attributs, et il n’a pas fait beaucoup de faux pas. C’est sa politique qui est fêlée, mais lui, il est en parfaite condition. Autant lui que Cécile DuFlot, il me paraît, sont très culturellement anglo-assimilés. Un atout politique ? En termes de compétences, sans doute, en termes de rapport électoral, l’inverse.
Un gouvernement d’unité nationale ? Une vraie démocratie parlementaire ? Cela m’étonnerait – mais un gouvernement du Front National qui crée la solidarité nationale m’étonnerait encore plus. Allons pour la deuxième option. Son joug pourrait libérer la parole – surtout contre lui, … engendrer de la créativité – surtout pour défaire ce qu’il tente de faire et s’opposer viscéralement à sa politique. Ce serait une décontraction des inhibitions nationales – plutôt nationalistes – qui militent contre le « bon sens » des français. Cathartique … quoi. Le FN (R), en incarnant la république pour du vrai, permettrait aux français de trouver un vrai bouc émissaire charnu enfin, et de rejeter la république qui n’en est plus une, pour en inventer une autre.
L’idée n’est pas si folle, puisque si la cohésion sociale et l’humanisme sont au nadir, alors qu’on prétend l’inverse, si la société est déjà extrême-droitisée, en se prétendant altruiste, si elle est anti-écologiste, tout en se faisant un bon greenwash chaque matin avec de l’Aloe Vera importé, il est vraiment le moment de mettre ses cartes sur la table pour voir ce qu’elles valent. Une désobéissance civile généralisée, plus ouverte, plus légitime, une franche hostilité au gouvernement de la part de la société civile « respectable », lettrée, compétente, sied mieux lorsqu’on a un gouvernement clairement fasciste et incompétente que lorsqu’on a un gouvernement hypocrite, mesmérisé par ses propres doctrines, presque normal. Et puis il manque de l’humour. Ce sont à peu près ces arguments qui ont du entrer en jeu aux États Unis lors de l’élection de Trump – et qui lui ont donné un successeur source d’optimisme potentiel – un « nice guy ». Les années d’opposition et d’obligation, de la part des états individuels, de tirer leur épingle du jeu tous seuls, sous Trump, leur ont donné une vraie énergie politique directionnelle lors de la défaite de ce dernier – et on s’est beaucoup amusé.
On espérerait en dire autant pour la France. Malheureusement – et malgré l’abolition de l’ENA par Macron, la France n’est aucunement fédérale. Pour être plus précis encore, elle est anti-fédérale (c’est une blague, les États Unis aussi, elle est contre l’état fédéral=centralisant, dans son cas). Ici, de nouveau, le Front National (pardon, le front Azur-Craie) donne de l’espoir là où les autres partis n’en donnent aucun. Comme la référence l’indique, ce parti est surtout présent dans les extrémités régionales de la France, dans le Sud et le Sud-Ouest principalement, dans le Nord, en petite Bretagne.
Paradoxalement et avec un certain humour ironique, on peut dire que le Front National est plutôt régionaliste, ultramontaniste et hostile au centre. Il est peu probable qu’il peut en faire de la France un rassemblement national. Il aimerait bien casser le centre et en expulser ses occupants, étant donné qu’il ne sont même pas des français de souche. Cela promet le fatras. Cela permet d’espérer que les gens, au niveau local, prennent leurs responsabilités publiques au sérieux, plutôt que d’attendre la manne du centre de l’état providence – qui se sera expatrié avec le pognon dés qu’il peut mettre la main dessus. Ce qu’on appelle « les territoires » (la province) ou encore plus créatif « les régions » pourraient laisser le centre vide au Front, si le Front les laisse les provinces – le Front, bien entendu, ne cherchant pas plus qu’à se déposséder de toute compétence administrative possible, étant donné leur incompétence collective dans ce domaine. Ils y auraient un fort intérêt politique, leur politique de laisser faire pourrait leur faire ré-élire. S’ils faisaient vraiment ce qu’ils sont connus pour vouloir faire, hypothétiquement, ils risqueraient, comme Trump, de n’avoir qu’un mandat – ils ont intérêt à faire à peu près l’inverse de ce qu’ils disent, se comportant en républicains modèles, tout au moins jusqu’à ce qu’ils réussissent à passer la législation et établir la main-mise nécessaire, ce qui faudrait plus qu’un mandat – comme c’était le cas pour l’un de leurs mentors, déifié par la gauche littéraire récemment.
Dans une démocratie bipolaire, c’est à peu près normal qu’un gouvernement de droite fasse passer des politiques de gauche et qu’un gouvernement de gauche fasse passer des politiques de droite. L’anomalie se fait sentir lorsqu’un gouvernement d’énarques sans partie prise trouve bien d’abolir l’institution qui lui a donné vie (En Marche – l’ENA ). EN mArche cherche sa bipolarité, sa pathologie est unipolaire et c’est peut-être pour cela qu’il rate le pouvoir. Pour le Front National, étant clairement extrêmement polarisé dans un sens bien orienté, ce problème ne se présente pas, mais il existe une obstacle majeure. L’infrastructure napoléonienne de préfets, etc., etc. pourrait très bien trouver moyen d’administrer la France même dans l’absence de gouvernement compétent. Le Front National adore le pouvoir régalien. Le pays se trouverait à ce moment-là entre le marteau et l’enclume, une position non-enviable. Les grands métropoles, surtout Paris et Bordeaux, se trouveraient dans leurs position habituelle de casseurs principaux du pouvoir titulaire central – du Front National. Le centre réassumerait le pouvoir de fait comme si rien n’était et rien ne changerait.
Cette analyse se fait avec la meilleure volonté du monde, dans l’absence de tout espoir d’une politique écologique venant des institutions et des individus présents sur le terrain dans des positions de pouvoir décisionnaire actuelles ou potentielles. Leurs opposants sont encore plus à craindre, pour leur capacité de ne rien offrir comme vision d’avenir plausible. S’il faut passer outre, cela n’a rien à voir avec le radicalisme, mais parce que toute autre option est bloquée. La politique se joue comme un jeu d’échecs – ou de daims – on déclare forfait lorsque la fin devient inévitable – ou par simple ennui parce qu’il n’y a aucun prospect de succès, malgré une répétition jusqu’à l’infini des mêmes mouvements.
J’aimerais bien entendre Cécile DuFlot dire qu’elle va réduire le salaire des professeurs et des infirmières pour donner le surplus aux services de santé et d’éducation des pays du tiers monde, ou bien qu’elle abolit le droit à une voiture aux particuliers en campagne si ledit véhicule n’a pas été produit après 2035, ou qu’au lieu du maraîchage, elle offrirait des jardins à des jardiniers, récupérés aux agriculteurs qui passent à la retraite (s’ils y arrivent), en abolissant tout usage de machines agricoles, en particulier les débroussailleuses, les tronçonneuses et les tracteurs – et le lion couchait avec l’agneau. Juste pour étendre l’idée de ce que c’est, d’être radical en politique, d’étirer un peu l’enveloppe du politiquement possible. Je suis sûr que c’est possible. Sans voiture et avec de quoi manger, même un gilet jaune peut très bien vivre en campagne sans se sentir expatrié. Et s’il ne veut pas, il y a plein de Franciliens qui tenteraient leurs chances. Dés que le désert rural cesse de l’être, parce qu’il s’y trouve des gens qui en tirent leurs vies, en rehaussant la santé de la biosphère par des travaux attentifs dans le détail – ce qui ne peut pas se faire avec les machines – leur présence assure les services qui manquent et la fiction d’une campagne « protégée » par l’absence d’humains est à jamais détruite.
Notre avenir nous attend, impatiemment.