dimanche 9 janvier 2022
Je ne suis pas sur réseaux sociaux. Je n’ai pas ou peu suivi le débat. Je vais reprendre cette expression et tenter d’y rajouter mon grain de sel, sachant que des milliers et des milliards de personnes l’ont regorgé, remâché, extrudé et ré-ingurgité avant moi, et que c’est du passé pour eux. A quoi ça peut-il beau servir ?
Si le Covid a accentué le trait, c’est du trait du repli social que ça traite. Des centaines et des centaines de milliers de personnes, plus au fait que moi, n’auront même pas pris la peine d’en savoir plus, le débat les aura plus ou moins échappé, ponctué par des expirations d’ennui, puisque dans leur bulle sociale on n’en parle pas, et comme moi, ils seraient partis du noir absolu.
Mais je suis universaliste, ma bulle est là. Je n’ai pas d’échelle, cela va d’un à 1 plus 9 zéros. Ma condition est le tu ou le presque rien, sans transition, sans granularité, insignifiante dans le temps et l’espace de notre monde fini.
J’ai l’orgueil d’être fier de ma fidélité à mon état individuel. Je ne puis que lorgner l’infini. Je vais parler de ce que je ne connais pas, comme un cambrioleur en pleine infraction. Mais je serai en bonne compagnie. Salut à tous !
Suis-je boomer ? Emphatiquement que non ! Et évidemment, je le suis. C’est ma classe d’âge qui m’ennuie, profondément, je ne peux pas parler pour les autres. Mais bien sûr que si ! Nous sommes tous ensemble des sosies, avec un traitement pareil.
Les idées sont des parasites. Elles s’accrochent à nous, on ne peut que tenter le coup du tri. L’économie de l’attention est une guerre de memes, et c’est nous le champs de bataille. Je me souviens qu’à l’époque de la pub dans la boîte aux lettres, je n’en avais jamais. Cool ! Ce que je ne savais pas, c’est que même si j’eus affiché sur la boîte « De la Pub ? Oui, merci », je n’en aurais pas reçu, pour autant. J’étais de ceux qui ne répondaient jamais, qui n’avaient aucun intérêt socio-économique, qui ne laissaient qu’une empreinte négatif dans les sphères de la manipulation de l’attention. Ce n’était déjà aucunement moi qui allais faire le tri. Ma volonté était lettre morte devant la cacophonie.
Il y avait d’ores et déjà des banques de données, vendues et achetés comme des valeurs – cela je le sais aussi, puisqu’on m’a employé, temporairement, pour les taper à la machine – des milliers de noms, un annuaire d’adresses. Chaque flèche de Cupide visait déjà son destinataire, faisait déjà valeur marchande. L’écran pulsait déjà ses messages subliminaux dans nos cerveaux, nous infligeait déjà ses coups de cliffhanger et d’attention saccadée, nous qui disions encore que personne ne peut savoir parce que personne ne peut déchiffrer ce qui s’y passe.
Moi, je propose que baby boomer et burnout vont ensemble comme Paul McCartney et Michelle. On ne les blaire plus. Et voilà, on est tombé dans le burnout, plus d’empathie. Pas de pub. Et on continue d’en recevoir. Le stress de faire partie d’un ensemble qui nous est éternellement hors de portée, qui ne s’intéresse qu’à notre potentielle consommation, nous pousse automatiquement au repli, au burnout masqué par la bonhomie, à la société du magret derrière les volets.
C’est la démocratie ! La règne du chiffre. De la vote blanche. Vous n’en faîtes pas partie ! Et vlam, je t’aime, moi non plus. Cela nous est tombé dessus. De toute façon, toutes ces expressions sont brevetées, faut pas trop citer. Même la langue que j’écris est la propriété d’autrui, de la France il me semble. Pas besoin de brevet, juste de milliers et de millions de cheese-eating surrender monkeys qui s’acharneraient sur moi à la moindre évidence de déviance de la doxa. Faut pas être lu. Je m’en auto-exclus. Je n’ai aucun droit d’auteur, et mes mots ne sont pas les miens. En cela, au moins, on peut s’accorder entre contemporains. Une fois j’ai tenté un néologisme, ça va pas la tête ?
Comme un long fleuve tranquille, cela me dépasse, cette langue qui n’est aucunement mienne. C’est du patois, du créole, ce que vous lisez là. Il n’y a que moi qui le comprends – à grande peine.
Et c’est de ma faute, de notre faute, même si je ne peux en aucune circonstance parler pour les autres. Imaginez que je l’ai non-dit. Mais bien sûr que non ! Je l’ai simplement subi. Personne n’est coupable, cela va de soi – et comme je l’ai déjà dit, jusqu’à l’infini. Si je radote, c’est qu’on ne m’a pas encore compris. Je ne suis plus que muet, censuré par l’ignorance, noyé dans l’indifférence peu profonde du monde. Y suis-j’associé ? Je ne parle que pour moi.
Par rapport à ceux qui me cernent pour la moindre nuance d’anomalie, je suis porteur de la maladie du fautif, ou la faute du maladif, l’insolence d’avoir agi en conséquence, en solidarité avec mes pairs insolidaires. J’ai tenté la cohérence, je renonce à tout. Dans un pays de laïcs, j’accepte mes péchés passés, je me réforme et je les abandonne comme des pelures de melon. Ma tête de choux devient nu. Je rase les murs devant vous. Je ne suis coupable de rien – et en plus c’est vrai ! J’avoue.
Note de disculpation de bas de page : cet essai n’est que stylistique, sans fondement, très très flou.