mercredi 24 mars 2021

coordination

Il est difficile de ne pas pleurer face à l’inaptitude de l’organisation du radicalisme écologique. Il n’y a aucune signe de proposition de modèle radical.

Les gens doivent gagner leurs vies. Ils font partie d’une société d’hyperconsommation. Ils vivent dans une société de transport à outrance, de téléphonie à outrance, de subventions à outrance.

Par conséquence, ils adoptent tous, ou presque tous la position du coach, au bord du terrain, en train de demander aux joueurs de bien jouer – d’être radicaux. Eux, ils ne jouent pas. Nicolas Hulot vient de le dire (France Culture, mardi 23 mars 2021 21h). «Soyez radicaux» et après il a dit que lui, il ne se sentait pas en mesure de jouer.

En fait, il n’y a pas de joueurs. Il n’y a aucun pratiquant, que des coaches.

Tour d’horizon de l’activisme écologique, tel qu’il est présenté sur web et dans la presse

Notons d’abord les absences.

Il n’y a aucune proposition de transport à la campagne à finalité écologique net positive

Il n’y a aucune proposition de repeuplement à la campagne à finalité écologique net positive

Il n’y a aucune proposition de pédagogie écologique à finalité écologique net positive

Il n’y a aucune proposition d’économie écologique à finalité écologique net positive

Quand je dis «à la campagne» je parle, bien sûr, du monde du vivant dont on doit faire partie intégrante si l‘on veut sortir de ce merdier dans lequel on s’enfonce. La ville, le périurbain, tout fait partie de la campagne, des terres sur lesquelles on vie.

Quand je dis «à finalité écologique net positive», c’est une terme qui veut dire que cela propose quelque chose qui rentre dans les clous, comme système, comme infrastructure. Pas demain, aujourd’hui. Les clous, c’est vers 5 fois moins d’énergie consommée en moyenne par personne, par an, et tout de suite. Les clous, c’est faire revivre la biodiversité et la couverture végétale, partout, tout en faisant de quoi vivre, pour nous. Et les clous, c’est de le faire assez rapidement et de manière suffisamment généralisée pour que ça vaille … plus qu’un clou.

Le seul avantage qu’on a, c’est qu’on se rend compte de notre totale incompétence administrative et gouvernementale, vu la série d’erreurs commises par rapport au virus. Normalement cela nous rend un peu réceptifs lorsque des propositions nouvelles existent.

Ce qui es sûr c’est que ce n’est pas en restant chez soi qu’on va s’en sortir. Mais bizarrement, c’est surtout cela qui nous est demandé, même par les organismes supposés être à la pointe de l’action. Pour bouger, pour agir, il faut de l’infrastructure, si ce n’est que pour manger et pour dormir – mais il n’y a aucune trace, dans les sites que je viens de consulter, d’une pensée logistique à la mesure. Même les actions supposées être les plus «activistes», les ZADs, ont toujours dépendu de la voiture pour amener les militants et leurs provisions – de ce fait la majorité d’activistes ont été subventionnés, d’une manière ou d’autre, par l’état – sur le dos des énergies fossiles, industrielles, nucléaires. Dans ce sens, on est toujours resté dans le purement symbolique. Dans la vraie vie, nous sommes des industriels qui n’avons même pas le temps de faire de l’écologie d’abord – et non pas après le boulot de merde.

Ici-bas les sites consultés. Au lecteur potentiel – vous pourriez leur signaler qu’il faut faire quelque chose de tangible! Je sais que ma critique peut paraître très dure, mais ce qui saute aux yeux, c’est que les outils réels ne sont pas là. D’abord, l’argent public n’est jamais là – il est mangé par l’industriel, ses exigences sont industrielles. Il ne faut pas compter dessus. Il s’ensuit qu’on cherche à faire autrement, sans ou avec très peu d’argent. Il faut donc créer de l’infrastructure soi-même – simplement pour établir des tailles critiques de groupes de gens compétents et qui travaillent à temps plein. Le reste du site que je crée là est dédié à expliquer comment faire – comment avoir les outils pour ce faire. Je ne serais pas si emphatique si je ne l’avais pas déjà fait – si je ne m’étais pas déjà adressé, physiquement et intellectuellement surtout aux problèmes de l’infrastructure humaine.

https://alternatiba.eu/

https://reco-occitanie.org/

https://www.transilab.org/

https://extinctionrebellion.fr/

https://ecologuesenrages.home.blog/

https://atecopol.hypotheses.org/

https://www.ensat.fr/fr/recherche/laboratoires-de-recherche/laboratoire-ecologie-fonctionnelle-et-environnement.html

https://www.eco.omp.eu/axe/projet-structurant-sciences-citoyennes/

https://eelvtoulouse.fr/

https://tethys2021.sciencesconf.org/

https://sciencescitoyennes.org/

https://decidim.sciencescitoyennes.ovh/

La première chose à noter est que ces sites utilisent des cookies – qu’il n’est pas possible de les visiter ou d’interagir en tant que simple membre du public, surtout pas en anonyme. Il faut devenir membre ou donner son courriel. Ces sites sont donc en faveur du traçage – qui induit bien sûr un rapport de force très défavorable à l’individu, très favorable à la supra-organisation. Chaque site, de sa façon, mais en réalité de manière assez similaire, suit les codes de «réussite» de l’entreprise capitalo-colonialiste, un peu comme Greenpeace. Il est parfaitement compréhensible, si la situation n’était pas si grave, que chaque entité, chaque cohérence, chaque groupe cherche à se renforcer, mais le problème est que cela reste donc un jeu de pouvoir paroissial, qui ne contient pas de recette pour un vrai mouvement consensuel de masse. Or, cela laisse la porte béante pour tout dictateur qui vient, dès qu’on accumule un peu de succès. Ce n’est donc pas un modèle logistique viable. Cela ne respecte même pas l’intelligence qui a donné naissance aux logiciels libres et plus spécifiquement au GPL (General Public Licence).

Il est difficile de cerner l’étendue géographique ou la vraie nature des individus ou des groupes qui déterminent le contenu des sites – eux, ils préfèrent rester sémi-incognitos. On peut regarder les dates des articles, pour noter qu’il y a des pics d’activité et des périodes, de mois ou d’années, où il n’y a presque pas d’activité sur les sites. Ceci peut mener à la supposition ou qu’il y a peu de gens vraiment actifs dans les organisations concernées, ou bien que les sites sont plutôt là pour faire de la pub, le recrutement et l’acquisition d’argent que pour des raisons fonctionnelles. D’ailleurs la mise en évidence des fils tweeter, etc. laisse supposer que tout dépendra des institutions existantes qui nous écrasent notre capacité de nous organiser nous-mêmes. Cette dernière idée reste nébuleuse, une (vaine) aspiration rhétorique, dans les écrits sur ces sites.

Bref, ils utilisent des techniques typiques des GAFFAMs où on n’a pas le choix, il faut accepter d’être pisté, technologiquement. Pour arriver à une vraie entente avec des co-travailleurs, ce genre de cadre prend des années, ou disparaît lorsque le peu de gens soudés trouve autre chose à faire.

Le site des scientifiques a une version premium, qui n’est ouvert qu’aux institutions et à travers les institutions, donc il ne casse aucune norme institutionnelle de l’élitisme. Les scientifiques font partie, en réalité, d’une plateforme réservée à certains secteurs de la science, dans ce cas les sciences sociales. Il n’y a que la rhétorique qui est inclusive. Cependant, ils paraissent ouverts aux partenariats.

Une analyse générale arrive donc vite à certaines conclusions. Il est très difficile de devenir activiste utile dans des tels cadre, puisqu’il n’y a rien à y faire – mais d’autres cadres, il n’y a pas trace. Le mieux qu’on puisse espérer est de se présenter lors des rassemblements d’un après-midi autour des événements clé – des manifs, des colloques, où on risque, mais tout à fait par hasard et non pas par dessein, de tomber sur d’autres gens marginaux avec lesquels on pourrait collaborer. Plus ça change, … D’ailleurs, je me sens de plus en plus inconfortable de critiques réflexives sur les sites, en anglais on dit «pot calls kettle black».

Les événements seraient purement symboliques – puisqu’il n’y a pas de propositions concrètes qui permettent de maintenir des actions soutenues. Ceci s’expliquerait de manière assez logique. Ceux qui sont à l’origine des sites travaillent – ils ne sont activistes qu’à temps très partiel. Les sites web et le niveau d’activité dans leurs groupes est ajusté à leur convenance – ils n’ont pas beaucoup de temps disponible, il n’y a pas beaucoup d’actions soutenues. J’exempte une seule initiative de cette tendance:

https://reco-occitanie.org/project/transilience/

Lea Sebastien du laboratoire Geode à Toulouse a le projet de cartographier des projets de transition, débloquer, encourager la participation, développer les outils, y inclus dans les territoires. On suppose qu’elle est financée. Cela aurait l’effet, si c’était bien fait et à disposition du public, de permettre une participation généralisée et soutenue. Cependant, sans infrastructure frugale, ce ne serait qu’un premier pas envers un bilan écologique net positif. Si les outils réalisés ne sont que numériques, et non pas infrastructurels, cela ne peut pas marcher non plus – l’empreinte carbone et écologique serait trop grande.

Pendant ma journée de travail sur l’identification de potentiels partenaires pour faire des actions de création d’infrastructure vraiment écologique dans ma région, j’ai aussi passé du temps à bouquiner les seuls livres disponibles sur le sujet dans la bibliothèque publique locale. Je tombe en général sur des livres des années 2000 de gens qui se sont fait un nom dans les années 1970-1990, grâce à leur capacité de produire beaucoup d’écriture. Pas d’évidence, donc, que les bibliothécaires apprécient vraiment leur rôle de donner des livres de qualité au public le plus démuni – il nous faut des livres de 2016 à 2021.

Jean-Marie Pelt, La Fondation Nicolas Hulot, Bernard Maris, etc. C’est un très petit monde, mais qui a beaucoup, beaucoup voyagé. Chacun parle de son sujet, souvent à l’exclusion de tout autre.

Dans leur cas l’empirique devient maladif. Ils ont fait l’inverse de vivre des vies frugales au niveau du dépens de carburants à effet de serre. Ils ont en effet profité à outrance du système qu’il critiquent, pour enrichir leurs vies personnelles. Leur sujet n’a jamais été leur empreinte carbone personnelle, ni de penser sérieusement à comment cela pouvait se faire pour tout le monde, au niveau de l’infrastructure.

De nouveau, je dois exempter Edgar Morin de cette critique, mais seulement en partie. Dans «La Voie pour l’Avenir de l’Humanité» (2011) il a une magnifique chapitre qui liste des problèmes et des solutions «agriculture et campagne», du haut de ses 90 ans. Quels sont les outils politiques de ces solutions, quelle est la «forme» de leur mise en œuvre? C’est ici, de nouveau, qu’il y a défaillance. L’analyse est statique, il suppose de multiples alliances de gentilles associations, chaque fois plus improbables, de petits paysans et de pays philanthropes. Ce n’est pas comme ça qu’on a créé, du néant, la société «toute voiture» et ce n’est pas comme ça qu’on va développer une volonté politique pratique.

Ce serait mieux, n’est-ce pas, qu’un système naissant puisse convertir les gens, très rapidement, parce qu’ils y voient vraiment leur intérêt- qu’il ait de la logique en étant puissant, plus puissant que les forces qui l’opposent? Edgar Morin aurait pu mentionner que c’est au Portugal que le dictateur Salazar a su parler au peuple en faisant pousser des arbres fruitiers le long des routes pendant qu’en France on les arrachait pour mieux faire pousser des arbres d’argent. Que le centre du Portugal est aujourd’hui envahi par des riches d’ailleurs (classe moyenne qui ne s’en rend même pas compte), et que même si certains de ces riches cherchent des modes de vie soutenables, tous, à peu près, utilisent des voitures – c’est leur «culture». Il faut déjà que les gens de pouvoir reconnaissent leurs erreurs et pas seulement les erreurs des autres – il faut que «la vérité s’invite chez eux». Pour le moment, la campagne devient un lieu de retranchement pour les nantis et les mouroirs des pauvres se préparent autour des grandes villes.

A la fin de la journée, j’écoute le téléphone sonne, c’est interclasse, où on explique aux ados des banlieues pauvres comment écouter la radio public pour avoir des informations fiables, plutôt que d’aller sur réseaux sociaux pour avoir des fake news.

Personnellement, je dirais que ce qui fait le bonheur du fake news, c’est la malhonnêteté des médias de masse comme France Inter. Presque sans faille, les pourvoyeurs de fake news identifient les failles réelles dans les rapportages des relais historiques et des biens pensants, un peu de la manière que je fais là. Comme la situation présente est d’une illogique totale, il se sentent ensuite légitimes pour dire n’importe quoi eux-mêmes. Un ado … doit avoir des vrais problèmes, vu qu’il ne peut croire ni l’un, ni l’autre, ... vu qu’il n’y a pas d’autorité fiable. Ce n’est vraiment pas suffisant de dire «démmerdes-toi, prends plusieurs sources.» On vie quand même dans un pays où on dit depuis 12 mois «confinez-vous» et depuis quelques jours «confinez-vous dehors». C’est un peu comme apprendre que «Tous les animaux sont égaux» et puis de voir ajouté « mais certains animaux sont plus égaux que d’autres» un beau jour.