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CLickEr

dimanche 31 août 2025

Construction

Nouvelle section !

Climatodénialiste

-Nouveau front : anti-amérique, anti-occidental

-Modèle français de transport – slow transport ?

-pro-écologie, anti-écologiste

Construction – nouvelle section

Ce site n’est pas figé, il est en manque de forme. Le résultat, actuellement, est qu’il y a un vaste cumul d’écrits que je n’ai pas mis en ligne. Cette nouvelle section : « Construction » est une tentative de commencer à remédier à cela.

Souvent on parle de mon blog, lorsqu’on se réfère au site, alors que rejette cette appellation. Je pense plutôt au mot « livre », sachant que ce n’est pas encore rédigé en forme de livre, ou « sélection d’essais », pour masquer mon désarroi organisatif. Le regroupement en sections que j’ai tenté auparavant m’a permis au moins de faire une sorte de tri préliminaire, mais cela n’a jamais pris une forme finalisée satisfaisante, ce qui me taraude. On pourrait également appeler le site « Fuite en avant ».

Reste que parmi les éléments de cette confusion, il existe des commentaires sur les questionnements de notre temps qui ont une certaine valeur, dans mes yeux, par rapport aux autres commentaires et propositions dont je glane mes points de départ discursifs.

Blog (?!)

À mon avis il faut tenir compte, dans ce manque de structure cohérente patent, que je ne fais que représenter, aussi honnêtement que possible, la réalité des choses. Nous avons tous les moments d’attention d’une poule – et je nous flatte déjà. Au moins on peut en faire une tache de beauté. Il en va de même pour les expressions anglaises parsemées dans mes écrits – je suis bien placé pour les faire, à l’encontre de mes pairs français, puisque je suis « native English » – ce qui peut expliquer ma manière bizarre d’écrire et mes fautes élémentaires de bourrin. L’IA peut aller se faire voir.

Je viens d’écouter le nouveau segment du matinal de France Inter, manié par Thomas Le Grand, qui m’a laissé avec l’impression que cette interlude chaotique serait mieux conduite par la personne qu’il a interviewé que lui-même, tant sa manière de saccader et harceler tout train de pensée a fait obstruction à la clarté du débat. Est-ce lui qui voulait avancer ses idées sous prétexte d’interviewer quelqu’un ? La réponse est dans la question. A-t-il prévenu les deux autres intervenants ? Pas du tout.

Ma deuxième pensée est que pour les expressions qui sont utilisées pour catégoriser les idées, nous sommes trop dépendants des personnes qui décident arbitrairement pour nous et qui ont l’oreille du public. Le terme  « climatodénialiste » me va, comme remplacement pour climatosceptique, mais j’ai encore faim. L’appauvrissement de la pensée à cet égard, tout au moins celle qui voit le jour sur le média d’état, laisse à désirer à de plus en plus d’égards.

Il y a eu un bref soubresaut de liberté imaginative dans la Terre au Carré, avec l’inclusion de contributeurs venant d’autres souches, qui a été réprimé cet été – on a l’impression de vivre déjà en régime autoritaire qui censure radicalement tout débat.

J’en viens au cœur de mes propres ébats avec l’actualité, m’ayant infligé hier soir sur Arte une série de deux documentaires résumant la guerre de quarante ans Israel-Étas-Unis-Iran et un autre sur Les États Unis en guerre, à travers les époques.

En ce qui concerne la guerre (constante) au Moyen Orient, la conclusion du documentaire a été que les États Unis et l’Israël ont maintenu le Moyen Orient en instabilité pendant 40 ans au moins, et que pour autant, c’était cela leur politique. Le documentaire était étonnement pro-iranien et anti-israëlite. J’anticipe que l’on va bientôt réprimer la libre-expression sur Arte comme on l’a déjà fait avec la radio d’état français, ne laissant que des médias de droite à ma disposition, si l’on ignore les très petits médias « de gauche » ou « libertaires » sur You-Tube.

Je suis plutôt d’accord avec l’analyse du documentaire, y inclus l’observation qu’il est douteux que cela ait été dans les intérêts des États-Unis et son cheval de Troie ou Porte-avions sur-dimensionné, l’Israël, de poursuivre ce politique de « divide-and-rule ». La solidarité pan-Musulmane contre l’Occident qui en a résulté a tendance à valider ce point de vue. La domination de nos vies et nos décisions politiques par des petits faits divers de terrorisme de tous bords en est le résultat – la montée et montée de l’extrême-droite en est le résultat.

En fait mes perceptions à cet égard ont été secouées et cristallisées par une seule scène dans un seul documentaire – ou une photo dans une revue, je ne me rappelle plus, il y a peut-être dix ans maintenant. C’est celle d’une petite réunion dans une carrière de combattants Kurdes, présentés comme des résistants héroïques et accablés. En arrière-scène trois ou quatre magnifiques voitures de marque toutes neuves, BMW, Mercedes, Audi, etc., bien en dehors du pouvoir d’achat de leurs pairs équivalents en Europe.

Au Moyen Orient, il ne manque pas de moyens, on est littéralement noyé sous la richesse matérielle du fait du pétrole et le niveau éducatif et culturel des gens ne cesse de croître. Tout ce qu’ont fait les États Unis et leurs alliés, ces quarante dernières années, c’est d’affûter les outils et les capacités de leurs adversaires, qui représentent maintenant une menace énorme (existentielle) à leur hégémonie. Cela a été une politique idiote qui a été menée. Il ne reste aujourd’hui que le rapport de force qui parle – et on ne l’a pas.

La façade d’influence bienveillante civilisationnelle entretenue par « les Alliés », elle a déjà perdu toute crédibilité au Moyen Orient – depuis quarante ans et plus, de cela je suis persuadé. Je suis également persuadé que de cela, nos propres médias d’analyse n’ont laissé échapper que très peu. Les réactions traumatiques des juifs – ou d’un George Bush traumatisé et plein de revanche suite à l’onze septembre, ce sont les « whimperings of the chattering classes » lorsqu’on leur administre la médecine qu’ils ont fait subir à leur adversaires pendant des décennies, indignes d’un politique responsable.

Les hésitations, tergiversations et le crisis-management d’un Jimmy Carter, un Barak Obama ou un Joe Biden ont en réalité exacerbé le problème, ils n’ont pas vraiment changé de politique, l’alternance politique ne les a jamais permis de le faire – et ils le savaient. Tant que cela reste le cas, des régimes autoritaires administrés par des gérontocrates éternels ont plus de crédibilité que tout autre type de régime.

Ma deuxième observation là-dessus est que l’autre documentaire sur les États Unis guerriers a été également très hard-hitting et assez objectif (juste), à mon avis. Les États Unis, dans sa forme présente, est le résultat du « land-grabbing » (Lebensraum), sans aucune justification morale possible, des Européens qui sont arrivés en Amérique, du génocide de ceux qui étaient déjà là, etc., etc. – d’un simple rapport de force inglorieux. De là je ne peux que réfléchir que ceux qui sont les plus prêts à prendre le « moral high ground » sont généralement ceux qui ont le plus à cacher à cet égard.

Nous sommes donc à une époque où toute semblance de supériorité morale, de gouvernance ou de système de valeurs universaliste est perdue – pour l’Occident – et justement, le rassemblement des états qui sont nos adversaires, la moitié de la population mondiale, en Chine, qui se passe actuellement, est quelque chose de significatif. L’hégémonie occidentale qui se fait passer pour le multilatéralisme est morte. Faut pas blâmer le messager (Donald Trump).

Cette conscience se relie à mes études en sciences politiques des années 1980, où on a comparé la toile d’alliances et contre-alliances qui a dominé l’Europe dans la période jusqu’à la première guerre mondiale à la probabilité, dans les décennies à venir, d’un schéma similaire au niveau mondial, avec des acteurs principaux comme les États Unis, l’Europe, la Russie, la Chine et l’Inde.

Dans le cas, cela a plutôt été une hégémonie américaine qui prend son terme avec l’établissement d’un contre-pouvoir construit autour de la Chine et la Russie, tout au moins en ce qui concerne la politique « internationale ». Il semble qu’il y a plus qui relie les différentes strates de population dans tous les pays – surtout contre l’oligarchie trans-nationale des super-riches et des super-éduquées – que de synergies possibles entre puissances définies par la géographie des nations (le Geopolitik).

Les conquêtes territoriales ont de moins en moins de sens. Ici je prends en exemple la possession par l’Israël de la bombe nucléaire, qui n’a pu que lui être donné, directement ou indirectement, par les États Unis – bien qu’on n’entend jamais cette vérité évidente dans les médias officiels européens.

Si les États Unis ont choisi de donner cette autonomie décisionnelle à l’Israël (et à la Grande Bretagne et à la France, bien sûr), c’est que sans cela, la doctrine d’America First aurait risqué de donner le choix, aux adversaires des États Unis, de s’attaquer à l’Israël, ou à l’Europe, étant donné qu’il était peu probable que les États Unis courent au secours de ces pays, au risque accru qu’elle se voit elle-même le cible d’attaque nucléaire, chimique, etc. L’OTAN a toujours été un outil mi-fictif pour masquer cette réalité, sauf en Extrême-Orient, où l’OTAN n’existe pas.

Lorsqu’on pense aux coups de poing administrés aux États Unis, comme les Twin Towers en 2001, ou à l’Israël, tout dernièrement avec la prise d’otages par Hamas et ses alliés, il en sort que ce sont des bourrasques par rapport à l’oppression systémique du monde arabe – ou du monde de l’Amérique Latine, par les sbires de l’Amérique du nord. C’est un désastre, en termes de propagande. Il n’y a que les publics de l’Europe et de l’Amérique du Nord qui peuvent faire semblant d’ignorer ces vérités élémentaires. Même les justifications avancées – que l’on se bat contre la barbarie, le terrorisme, le manque de culture démocratique et humaniste, s’évaporent face à la réalité qu’en se comportant de cette manière sauvage contre ces populations – et souvent contre leurs gouvernements populaires et démocratiquement élus, on est en bonne partie responsable de la brutalisation de leur politique et de leur culture civile.

Les documentaires que j’ai regardé tentent d’avancer des explications pour cela. En exposant la vérité de la brutalité génocidaire et endémique aux États Unis (dont la guerre la plus sanglante a été sa propre guerre civile), ils expliquent en sous-main qu’il ne faut pas s’attendre, de ces gens-là, un comportement bien différent à l’extérieur de leur pays. Et cela, de la bouche des américains eux-mêmes.

La « perfidie » – la tendance à mentir – des États Unis, est l’un des leitmotivs de l’outrage ressenti dans les pays choisis comme victimes expiatoires de cette politique de pouvoir. On pense à la Perfide Albion du Général de Gaulle, son cible étant les pouvoirs anglais. On peut penser également au soutien de l’Angleterre à Franco dans la guerre civile en Espagne, en fin des années 1930, avec les Brigades Internationales, dans lesquels participent un Orwell ou un Hemingway, pour montrer l’ambiguïté qui existera toujours autour de la représentation des pays comme des monolithes à pensée unique.

Il reste que l’Occident a plutôt eu la vie très cool, ces derniers temps, au grand dépens du reste du monde, de l’écologie du monde et de la cohérence sociale du monde. On est vraiment en fin d’époque, cela ne peut plus continuer comme ça, et ce « vœu pieux » ne l’est plus, du fait du changement réel des équilibres du pouvoir mondial et de la crise écolo-sociale montante.

Comment négocier la sortie de l’ordre mondial actuel ?

Malheureusement pour ceux qui aiment décider pour eux-mêmes, cette question sera en toute probabilité tranchée ailleurs, dorénavant.

Dans la mesure qu’il y a osmose entre des segments de population aux intérêts partagées, partout dans le monde, l’influence par l’exemple donné me paraît intéressant, comme élément politique de fond. C’est en cela que l’Europe – et la France en particulier – peut avoir une fonction encore dans le monde. C’est un peu daté comme concept – on pourrait dire que je ne fais que réitérer le concept de soft power qui n’est pas cher à mon cœur, mais c’est justement parce qu’on n’a pas encore pleinement exploité ce concept qu’il est miné d’emblée.

Je reviens donc aux deux notes que j’ai fait en en-tête de cet écrit :

-Modèle français de transport – slow transport ?

-pro-écologie, anti-écologiste

J’ai souvent dit que nous sommes, en tant que sociétés, en avance sur le reste du monde dans le sens que nous sommes en avance dans les maux du monde et que nous avons, pour autant, acquis un certain savoir faire pour les contester. J’ai déjà mentionné le nom de George Orwell à cet égard, pour des raisons emblématiques, il y en a à foison, évidemment.

En ce qui concerne la France, j’ai la proposition suivante d’action directe non-violente.

Les britanniques super-riches ont inventé une diversion – qui a été d’essayer de traverser la France à toute vitesse dans des voitures de luxe, en flagrant délit par rapport au code de la route, dans une sorte de parodie du Paris-Dakar. L’idée est si malsaine et contre-productive qu’elle ne manque pas d’humour. Faites une recherche sur la course où on doit piétiner les corps des gens allongés sans faire couler du sang suivi du commentaire sportif : « He’ll never win, he’s wearing spiked running shoes ! » pour apprécier la pleine perversité de ce type d’humour.

La nature hexagonale de la France métropolitaine se prête à ce type de jeu et la France a été le champs de bataille de prédilection de tous ses voisins depuis des siècles.

Il serait donc intéressant d’appliquer les prémisses du slow travel, slow food, plutôt originées en Italie, aux modes de transport employés en France, en particulier les modes employées pour traverser la France, mais de manière plus systématique que jusqu’à là. Je parle bien de voyages à long cours, cela n’a rien à voir avec « la mobilité » fausse-écolo. Je pourrais même dire que le mot d’ordre du mouvement du 10 septembre « Bloquons tout » prendrait un peu plus de sens écologique si l’objet était de remplacer la voiture par des modes de transport sans machines.

C’est un atout que peuvent jouer les français sans commune mesure avec les autres pays de l’Europe de l’Ouest – cela met un vrai bâton dans la roue du « tout industriel » de la grande logistique.

Et c’est un exemple de ce que pourrait faire la civilisation occidentale pour changer les perceptions d’elle-même, ailleurs, et pour démontrer l’art du possible écologique de manière moins hypocrite qu’à présent.

Ce type d’initiative n’est pas hors propos. Je prends en exemple deux actions de « désobéissance civile » qui, paraît-il, font pas mal rigoler les chinois, le « faire la planche » et le « tétines pour adultes » qui ont attiré l’attention du média français. Je ne suggère même pas qu’il faut bloquer, saboter ou autrement défier la loi – il suffit de créer des transports soi-même à disposition du public, sans voiture, de manière très visible au grand public. Ce sont les actes qui comptent.

Il me semble que nous sommes de plus en plus dans des situations analogues aux chinois, partout dans le monde, par rapport à la censure et la répression. Cela prend la forme de ne jamais pouvoir critiquer les pouvoirs séants, sous menace d’élimination du corps social – de la mort socio-économique. Nos critiques passives prennent donc la forme de « lifestyle choices » et c’est ce que je propose – de créer, beaucoup plus pragmatiquement que jusqu’au présent, des vraies infrastructures qui peuvent vraiment être vécues par une pluralité de nos concitoyens (ou non-concitoyens, comme dans mon cas). Suis-je européen, ou ne le suis-je pas, c’est cela la question ?

Et à la fois, la motivation de ces actes de désobéissance civile ou de rébellion contre des normes anormales, si elle a un sens qui peut être sérieusement défendu, est de transformer, de changer les choses qui ne vont pas. Sans actes concrètes sociales, sans impact publicitaire, cela ne sert à rien.

Typiquement, en France, on va étiqueter de telles initiatives « avant-gardistes » pour les tuer dans l’œuf, si possible, et de fait, toute initiative qui n’est pas « de masse », mais le propre d’une élite privilégiée peut être condamné sous la même enseigne. Dans ce cas, le meilleur choix paraît être « restes chez toi et ne fais rien » et en effet, c’est ce qu’on a tendance à faire, tout nous encourage à faire la planche, à vrai dire.

Et on est revenu au point de départ de cette section : la perception du grand monde, à l’égard de l’Occident, est qu’ils ne vont rien changer jusqu’à ce qu’ils y soient contraints et qu’il ne faut plus rien attendre d’eux à cet égard. Une variante sur ce thème que j’expérimente fréquemment, est « si tu n’es pas content, tu n’as qu’à t’en aller », avec tous les relents xénophobes accordés aux étrangers en France de nos jours, comme si mon objet politique était de me trouver un paradis terrestre personnel pendant que le monde s’effondre ailleurs.

Je note à cet égard que mon objet politique a toujours été d’aller là où ça fait le plus mal, écologiquement et socialement, et d’essayer de le changer. Le mieux que j’ai trouvé à cet égard, à ce date, est la France rurale de résidences secondaires et de faux écolos. L’idée que je suis venu ici pour me gagner des amis, quoique j’en aie bien besoin, serait de la pure folie, à mon avis. Des compagnons de lutte, oui – mais sans prise d’otages.

lundi 1 septembre 2025

Plantationocène

(D’après la Terre au Carré)

- Napoléon et la betterave

- Verrouillage socio-technique

- Noix d’acajou - historiquement envoyés de l’Amérique du Sud en Inde pour être décortiqués – quand un maillon dans la chaîne se montre défaillant, tout le système s’écroule.

- Se permettre de se passer du fumier – engrais chimiques

- La PAC – la spécialisation par région

- Les systèmes agricoles

- « score d’efficacité des paysages »

- « obtenir le beurre et l’argent du beurre »

Grosso modo, il faut se mettre dans la tête la pensée d’un commerçant en Angleterre avec une flotte de bateaux à sa disposition. Pour lui, peu importe que les noix d’acajou aient fait le tour du monde, si lui il en tire les bénéfices à la fin. Il n’a pas de contraintes écologiques, ni de contraintes sociales, il ne côtoie pas les gens qui y bossent et il n’y vit pas où l’on dépouille le milieu naturel. Ces préoccupations-là sont out-sourcées. D’ailleurs, la matière première ou la transformation sont souvent des coûts relativement insignifiants par rapport au prix en bout de la chaîne de la commercialisation et la mise en vente.

On avance souvent l’idée qu’il faut ôter le middle man de l’équation pour augmenter l’argent donné au petit producteur. Ceci est absurde, à mon avis. En toute probabilité, il faut s’attaquer frontalement au schéma de responsabilité pour les « externalités » de chaque acteur, d’un bout de la chaîne à l’autre. C’est quand même ce qu’essaient de faire les pays européens en établissant des normes de production écologiques. On peut espérer que les « middlemen » retrouveront leur boulot en supervisant la chaîne, pour que ces normes soient appliquées.

Bayrou, dans son interview d’hier soir (dimanche 31 août 2025) a suggéré qu’il fallait diminuer le nombre de fonctionnaires – qu’il se peut qu’en ce faisant on améliorait le niveau de service rendu. À qui – celui qu’on a licencié ? On pourrait mécaniser tous les services, des porte-containers robots pourraient parcourir le monde, mais quel monde ? Un fonctionnaire, enfin pas tous, il porte un autre chapeau aussi, il est humain.

L’amour et les jeux d’affect

The Love of my Life – Billie Hailish

The impossibility of non-reciprocal love (?!)

Remplacer son psy ou son meilleur ami par une IA

Je ne savais pas, en fait, qu’un psy, on l’utilisait comme ça – ni un meilleur ami d’ailleurs. Je ne pensais pas que c’étaient des putes.

Le compagnonnage

Du love-bombing

« Tu es génial, tu es magnifique »

Ce qu’a fait notre cher premier ministre avec les journalistes dans son interview sur le budget ce dimanche soir, sans arrêt – le charm offensive suivi du je suis sévère. Si je ne me trompe pas, je suis de nouveau premier de la classe dans ma détection de ce phénomène – il y a un mot pour cela en français, la séduction, et comme j’y ai toujours été hyper-allergique, je me suis toujours demandé comment les gens pouvaient en être les dupes.

Sur le moment cela me fait du bien.

mais

Elle diminue l’utilisation de ChatGPT, recommence à écrire.

Ce qui pose la question, est-ce qu’écrire, ce n’est pas, comme les rêves, une manière d’imposer sa réalité en évitant l’altérité ? Est-ce de l’auto-séduction ?

On verra si l’on fait mieux dans la prochaine émission sur l’IA. Les questions qui se posent n’ont pas encore été posées, bien que je les ai posé avec une seule entrée en matière, le 13 mai 2025. Je n’y suis pas revenu, ça peste, l’IA conversationnelle.

On peut commencer avec l’hypothèse que l’entraînement de l’IA par des humains est un aspect du phénomène qui n’a pas été bien approfondi par les analystes – que peut-être l’importance de ce boulot-là, étant out-sourcé à des personnes plutôt mal-rémunérés, a été plutôt sous-estimé.

Par exemple, le fait d’ôter son chapeau ou de se serrer la main, il est primordial dans le bon écoulement d’une relation – faut pas braquer les gens. L’IA peut facilement détecter le niveau de stress ou même l’hostilité dans la voix d’un interlocuteur, et même le niveau de stress préféré par son interlocuteur, tout en échangeant avec lui. C’est un jeu d’enfants.

La question se pose donc, de si l’IA n’est pas vraiment le compagnon préféré ? La croissance et croissance de notre amour pour les animaux domestiques illustre assez bien ce concept – nous les préférons et ils nous décontractent, comme règle général – et c’est réciproque, c’est important de le dire. C’est con, un humain.

The Levellers, etc.

Citation célèbre de ce qu’a dit (ou écrit, ou dicté, je ne sais pas), James Nayler en 1660, deux heures avant sa mort, suite à un tabassage champêtre.

There is a spirit which I feel that delights to do no evil, nor to revenge any wrong, but delights to endure all things, in hope to enjoy its own in the end. Its hope is to outlive all wrath and contention, and to weary out all exaltation and cruelty, or whatever is of a nature contrary to itself. It sees to the end of all temptations. As it bears no evil in itself, so it conceives none in thoughts to any other. If it be betrayed, it bears it, for its ground and spring is the mercies and forgiveness of God. Its crown is meekness, its life is everlasting love unfeigned; it takes its kingdom with entreaty and not with contention, and keeps it by lowliness of mind. In God alone it can rejoice, though none else regard it, or can own its life. It is conceived in sorrow, and brought forth without any to pity it, nor doth it murmur at grief and oppression. It never rejoiceth but through sufferings; for with the world's joy it is murdered. I found it alone, being forsaken. I have fellowship therein with them who lived in dens and desolate places in the earth, who through death obtained this resurrection and eternal holy life.

On dit que la distinction entre The Levellers et The Diggers est que les Diggers, des proto-communistes, ont eu l’esprit de tenir les terres en commun, alors que les Levellers non, selon Wikipedia, mais en fait le terme « Levellers » est plus générique et globalisant, se référant à un développement plutôt antérieur à la fission en plusieurs tendances lorsque ces mouvements prennent leur élan.

Je note que sur tous ces mouvements, le Wikipedia en anglais est infiniment mieux que le français. Non seulement est-il plus extensif, mais les citations et le langage sont plus beaux. J’ai fait la traduction automatique en langue française, elle est épouvantable. Il faudrait des semaines de travail pour honorer cette langue et ce contenu, ce qui prive les francophones de plusieurs éléments de compréhension de leur propre passé – sans même qu’ils sachent le point auquel leur version a été tronquée et édulcorée. C’est qui qui a fait ça, dans sa sagesse ? Cela m’emmerde,je veux lire mes références en français, pas en anglais (mais idéalement avec les textes cités dans la langue d’origine, enfant gâté que je suis).

C’est pareil pour l’histoire de ces mouvements révolutionnaires sur le continent européen, qui se gonflent d’information ou rétrécissent selon l’intérêt apporté par un groupe national linguistique ou autre, d’aujourd’hui, pas d’hier. Ces mouvements égalitaires et humanistes sont en général pan-européens, très informés les uns des autres et datent du douzième et treizième siècles au moins, la persécution a obligé l’exode de populations entières, d’un côté, de l’autre, avec des wormholes de tous les bords. Ce qu’on appelle hérésies, au début de ces époques, sont en réalité des tentatives de sortir du joug de l’église d’état, de l’état de l’église, la non-croyance n’étant évidemment pas du tout tolérée, l’athéisme simplement discompté. Même si tous ses composants existent déjà, ils s’expriment autrement, ne serait-ce que pour être compris par des contemporains.

Il ne faut pas confondre le manque de transmission, surtout écrite, jusqu’à nos jours, de ce qu’ont pensé ces braves âmes, avec l’absence d’une pensée qui ressemblerait à une pensée « moderne ». Il ne faut pas supposer que des hérésies doctrinaires qui ont commencé en Italie, ou en France, ou en Allemagne, sont d’origine anglaise. Au contraire, la transmission orale, présentielle, de vive voix, peut être le mode de transmission préféré, là où l’écrit condamne à mort.

Qu’est-ce que cela peut avoir à voir avec le jardinage ou l’écologie, l’on demande ?

Tout. La terre est nourricière, les sans-terres, les dépossédés et les fugitifs, ce qu’on appelle aujourd’hui les réfugiés et les SDFs, ne peuvent qu’aller de terre en terre. La différence entre agriculture et horticulture, entre glanage, pâturage et bien plus, ce sont des descripteurs de l’économie, presque toute l’économie, à ces époques. Là où un philosophe moderne va tenter de cartographier l’évolution de l’individualisme, ou le politologue les étapes progressifs d’émancipation de l’homme et la croissance de l’humanisme, sachons que ce sont des prises de vu anhistoriques, qui n’ont de sens que dans le contexte moderne – qui sont vidées de leur sens.

Les gens, hommes et femmes, étaient autant des individus au Moyen Âge ou dans l’antiquité qu’aujourd’hui, le raffinement de leur pensée, de leur langage, tenait autant de nuances, je dirais plus, c’était le seul outil. Le communisme – les communs – existaient bien plus qu’à l’époque industrielle, la propriété privée bien moins – certains diraient « pas du tout ». Le féodalisme, comme presque toutes les étiquettes que l’on utilise comme descripteurs systémiques, comme les Diggers, les Libre-penseurs, les hérétiques, les Cathares, les Quakers, les Ranters, sont des noms d’oiseau donnés par leurs ennemis avoués pour essayer de diminuer ou injurier leurs opposants.

C’est ainsi que l’histoire écrite par les vainqueurs ne prévaut jamais dans le cœur des gens. Elle évolue. Tandis que les ennemis vaincus, ils sont constants et fidèles, pour l’éternité.

Digging

Je m’exprime, je suis en faveur des « allotments », des potagers ouvriers. Cela veut dire, de terrains communs parcellisés, chaque parcelle étant la propriété (de décision d’usage) d’une entité ou personne légale ou morale.

C’est une structure potentiellement très forte, niveau politique, parce que tout le monde se réunit dans la seule défense de l’ensemble et que tout le monde vient de la société civile des alentours. Cela peut être, dans l’occurrence, un département d’université, un individu, une association, un centre médical, chacun qui a droit à s’exprimer à l’interne en tant que tenant d’une parcelle.

Il est vrai que si je pense à cette construction, c’est que j’ai un œil sur la défense des terrains contre les déprédations extérieures et je pense également à la pluriculture, la capacité d’auto-apprentissage mutuel, ne serait-ce qu’en regardant la taille des légumes et les méthodes de culture de son voisin.

Cette idée rentre en conflit avec mon désir d’architecte-paysagiste de créer le cadre et définir les règles d’or qui peuvent définir un espace, dans les intérêts des humains et non-humains qui se trouvent sur place, qui y ont donc leur place (tous adventices!). Par exemple l’usage de plastique et de tapis pose problème, l’usage de machines également. En les interdisant, pour moi dans un esprit de tolérance, de liberté et d’accommodation de tout le vivant, il est fort probable que je mets à dos et exclus une bonne partie des potentiels co-occupants. Que faire ?

Cela me fait penser au film Full Metal Jacket, de Kubrick, où l’induction des nouveaux recrus dans la discipline et les rigueurs de la vie militaire est vu, dans certains quartiers, comme de la nécessité pour qu’ils deviennent des soldats opérationnels – ce qui peut leur sauver la vie en situation de guerre chaude. Je ne crois pas trop à cela – il y a des corps de soldats superbes qui sont anarchistes, ou qui n’ont eu aucune formation formelle militaire.

Je suis persuadé que lorsque les gens marchent et vivent ensemble, tout devient possible dans le développement d’un esprit de corps, j’ai donc en tête que les potagers ouvriers soient des jardins de passage, entretenus en partie par des gens de passage – ce qui va loin dans la résolution des questions d’inclusion et d’exclusion qui font toujours éruption dans des « centres » auto-servants et déresponsabilisants ou volontairement aveugles à la suite de leurs exclusions.

Dans un modèle de « circuits » (boucles), on ne laisse jamais personne sans où aller – au pire il est « clochard » dans ce cas (voir le sens d’origine de ce mot). Les sédentaires du lieu font office de gardiens du lieu – et transmetteurs, et surtout d’accueillants et expéditeurs. C’est dans la désignation d’une personne morale qui peut être attaquée par la loi qu’existe le problème d’autorité ultime. En France, nous terminons ainsi par nous abuser nous-mêmes et par contredire nos idéaux, il faut toujours un qui porte le chapeau, c’est fatidique. Je n’entre pas ici dans le détail des baux que j’envisage pour remédier à ce défaut structurel. Le problème, il reste essentiellement culturel – spécifiquement en France.

Si les passages sont réguliers et il y a des personnes qui partagent cette culture commune, la transmission des us et coutumes peut réussir. Même si cela n’est pas formalisé, c’est dans les faits comme ça que les bonnes et les mauvaises habitudes sont transmises et qu’elles perdurent. La vocation de ces ambulants, comme avec les mouvements monastiques, est l’Amour. Dans notre cas, l’amour de la terre – de la vie, de la raison d’êtres. Je ne pense pas que l’on peut dénigrer de telles aspirations comme Utopistes, c’est-à-dire irréalistes. Même si elles échouent, elles laissent leur marque indélébile sur l’esprit des suivants.

J’irais jusqu’à dire que même s’ils ne le savent pas, la plupart des illuminés à Silicon Valley, des Ellen Musks, des Poutines et des Ayatollahs, sont motivés par ces valeurs. C’est ce qui est curieux, n’est-ce pas ? Nos illuminés et nos méchants sont sincèrement motivés par la liberté et le bien commun. Leur Nature n’est peut-être pas la nôtre, mais ils y croient, dur comme fer.

À ce propos, j’ai visité une page Facebook de jardins collectifs que j’ai un peu fait renaître, il y a vingt, vingt-cinq ans, jusqu’à en 2007. Plein de photos – je me suis amusé à voir ce qu’il restait des structures et pratiques que j’y ai installées. L’utilisation d’osier vivant pour créer des structures en est une, malgré le fait qu’on a détruit les structures que j’ai créées – ce qui a sans doute donné l’abondance nécessaire d’osier (malheureusement mort) pour en faire celles que j’ai vu en photo, bien moins accomplies. Pour la mare que j’ai créée, je vois la trace jusqu’à en 2016, et comme à l’époque je n’avais pas la maîtrisé des mares sans membrane, j’ai vu le plastique noir du fond. Le reste des jardins représente un chaos indescriptible de parcelles qui ont perdu le fil du cadastre d’origine – que j’avais péniblement rétabli. Il y a eu régression aux techniques d’usage de matériels industriels de toute sorte, comme entre les années 1960-90.

Mais les jardins sont existants et en bonne vie, ce qui n’avait pas été le cas à mon arrivée, où j’étais pratiquement le seul occupant. Ce qui est moins sûr, c’est que leur existence représente un plus, écolo-socialement. On a perdu, pas gagné, en savoir faire horticulturel – à la vue. On n’a pas stabilisé le sol, ni les plantations, on n’a cessé de les détruire, les altérer et les polluer avec des intrants industriels de toute sorte. On a effacé la culture du lieu, rompu sa continuité. De son histoire (qui date du dix-neuvième siècle) il ne reste aucune trace, bien que c’est ce que j’ai essayé de mettre en premier ;-). Je serais un étranger si je revenais. Je ne suis pas archéologue, je n’y reviendrai pas, pour éviter la peine. Certains diraient que cette discontinuité, c’est justement le problème, mais on fait sa part et on n’est pas éternel.

Cela me fait penser à la maison que j’ai habité en ado. Ou plutôt aux champs, aux arbres et au ruisseau qui faisaient partie de mon habitat vécu. Ils ont tous été détruits, remplacés par un housing estate atroce. La maison, dont je m’en fous un peu, reste intacte. En général, ce qui reste des arbres, etc., dans ces milieux champêtres, se trouve dans les murs et les haies – surtout ceux qui délimitent les voies publiques et les sentiers, plutôt par manque d’attention humaine que par l’envers, toujours aux marges. Sur les surfaces, chaque nouveau « propriétaire » y met son imprimatur, en éradiquant celui du précédent. Pour l’agriculture et les jardins, le modèle qui obtient est annuel, ce qui ne laisse de trace que l’horizontalité des surfaces. Seulement la densité du bâti permet de la continuité dans le végétal – cela le protège parce que cela donne plus de lisières et d’accidents de terrain. Les arbres les plus anciens, très peu, survivent parce qu’ils sont près des maisons ou font partie de l’espace « ornemental » public.

Pas très gai. Mais un peu plus gai qu’en France, où il n’existe quasiment pas de vieux arbres,surtout en milieu rural.

Si l’on revient à la question du respect de la nature vivante, qui elle, existe à échelles multiples, souvent dépassant l’échelle de la vie humaine par plusieurs générations, on voit que notre avenir promet d’être atroce. Ce n’est pas qu’il faut nécessairement des maîtres-architectes paysagistes, mais il faut bien une culture qui valorise et permet l’existence de ces échelles de vie. « Planter de arbres », j’en rigole. Il faut déjà éviter de « déplanter » ceux qui sont là, même un ou deux douglas. Sans dessein intelligent, leur convivance avec le milieu humain ne peut qu’échouer. Et pourtant, la tronçonneuse et la débroussailleuse sont les outils les plus présents dans les mains des « écologistes ». Et la benne, dans les recycleries, pour conditionner les bénévoles à jeter. Et la seringue dans les mains des professionnels de santé, pour les désensibiliser à la douleur …

C’est dans cet esprit que les circonstances nous contraignent à la collectivisation des responsabilités – tous pour un et un pour tous ! Mais il faut prendre des chemins latéraux pour y arriver. En occupant des terres, comme les Diggers, on ne fait qu’attirer l’attention et on devient la cible facile, puisqu’en détruisant ce qu’on a tant labouré à construire, il arrive que notre esprit est anéanti. L’écocide est à deux doigts du génocide. Alexandre a détruit Persépolis, ces crimes ne datent pas d’hier, mais les Perses sont bien là et les grecs, … ? L’œuvre, elle sera presque toujours détruite.

Une guérilla, même pacifique, se doit d’être mobile, pas enracinée. Là où l’on peut obtenir des bons résultats, c’est lorsque sa mobilité a un rapport sensé à l’échelle du paysage qu’elle hante. Enfin, c’est la leçon que nous enseigne l’histoire – que ce n’est jamais tout ou rien, mais quelque chose d’intermédiaire qui compte. Nos moyens de transport et de communication modernes flouent cette perspective, nous existons à distance indéterminée, et bien que cela puisse paraître paradoxal, nous sommes devenus tous sédentaires, pour autant – sauf « les réfugiés » et les diasporas – qui n’ont pas ce choix – et qui, paradoxalement de nouveau, en extraient un énorme pouvoir relatif. Comme des esprits qui ne trouvent pas de répit.

La ZAD est une grande erreur stratégique, à cet égard. Elle sédentarise la guérilla, elle joue en faveur de l’adversaire, elle est même toute dressée, commeun chien qui appelle à l’attention de son maître. Si seulement l’on avait écouté la volonté claire et majoritaire de la ZAD en 2013 – de ZAD partout !, on n’en serait pas là aujourd’hui. ZAD partout n’est pas ZADs partout, c’est une résistance de mouvement, en mouvement. L’on peut opiner que ces considérations sont dépassées par le monde techno-industriel d’aujourd’hui, tout comme la société humaine, qui devient méconnaissable, mais cette logique est un peu circulaire – si l’on veut dire que la nature du monde, elle a changé, l’on peut aussi bien dire que le monde de la Nature n’existe plus, mais elle existe, en nous – et au contraire, nous sommes légion.

Au lieu d’être bafoués par des faux cadres logiques, nous sommes plutôt contraints d’en faire vivre d’autres, plus consistants à la fois avec nos valeurs humaines et notre réalité d’humains incarnés, en dehors de tout monde artificialisant.

Ici je fais quelques remarques. Ce que j’écris « n’est pas nouveau », mais il est relativement « frais ». Je n’obtiens pas ma légitimité intellectuelle d’une quelconque expertise dans un domaine scellé par mon obéissance à un maître de pensée ou une autorité scolastique, je pense et j’écris. Cette langue n’est même pas la mienne, tout comme le latin n’était pas la langue des savants qui ne s’exprimaient qu’en latin, jusqu’à une date relativement récente. On s’en tire assez bien, on est frais.

Les références que j’ai cité, je viens de les lire, je ne savais pas, au juste, ce qu’il en était, jusqu’au « dernier moment » - un peu comme un journaliste qui aborde sans cesse de nouveaux sujets, sans pour autant être démuni de questions et aperçus intelligents, le moment venu.

J’ai une vaste culture générale, avec de vastes lacunes – des dégoûts exagérés pour certains domaines qui font que je n’y connais rien, avec joie.

L’IA commence à nous poser beaucoup de questions sur ce genre de non-expertise. Mais ce sont les experts qui devraient y répondre – si leurs citations sont assemblées par des IAs, leurs diagnoses sont ceux que l’IA leur a donnés et leur écriture a été passé au peigne fin par l’IA avant d’être publié – ou même écrit par IA. S’il y a tout ça dans leur arrière-boutique, est-ce qu’ils pensent vraiment ? Ils ne sont que des ombres de l’IA, des « expert systems ».

J’essaie donc de penser, mes références du moment sont mes aides-pensée. Je n’en veux pas trop – je veux penser juste. Si je parle comme si j’étais le premier et le seul d’avoir pensé telle chose, c’est que pour moi, cela est vrai – pour autant que je sache. Pour une partie des choses que je pense, je peux même dire que c’est vrai dans l’absolu, pour autant que je sache, mais je suis toujours réjoui de rencontrer d’autres qui ont leur savoir en complément. Par exemple, le monde a très systématiquement été divisé entre artificiel et naturel, selon nos trouvailles archéologiques, depuis des dizaines de milliers d’années. Cela peut être l’effet de « on trouve ce qu’on cherche », ou bien que l’on ne note que ce qui est notable, dans le cas que nous avons ignoré ce que certains archéologues ont dit parce que cela ne nous paraissait pas pertinent.

C’est la thèse, par exemple, de nos archéologues culturels qui retrouvent des intellectuelles et écrivaines qui n’« existaient pas » pendant des siècles, à cause d’une culture de primauté masculine qui effaçait leur mémoire.

Mais en tous cas je pense que cette catégorie d’erreur a été commise, plutôt par tout le monde, pendant les dernières millénaires tout au moins, à l’égard de ce qui peut être appelé une œuvre. L’œuvre a été assimilé a « l’artificiel ». C’est justement pour cela que la catégorie « architecte-paysagiste » rencontre autant de résistance en France – on la refuse.

Mes « œuvres », je les ai toujours construit en bois vivant. Ou plutôt, je ne les ai pas construites, elles se sont assemblées, très largement, elles-mêmes, ou par l’évacuation de la matière, pas son rajout. Rien à voir avec le land-art !

Cette même « idée », je l’ai trouvé bien après l’avoir ‘mis en œuvre », dans une tradition allemande, mais leurs œuvres ressemblent à des maisons en dur. Les « benders » et les treehouses de la tradition des ZADs (tree or road protests des années 1990), font partie de mes sources d’inspiration – j’ai souvent aidé à les inventer et à les construire. Cela a justement été possible parce que tous les éléments étaient réunis, on était dans une zone de non-droit, on était nombreux et on était enthousiastes. Il nous fallait nous incruster aussi vite que possible dans les « œuvres » que nous défendions, elles étaient nos abris de fortune. Pas du tout comme les « cabanes » à la ZAD de Notre Dame, qui ont été des « œuvres » majeures.

Mais la raison centrale, si je l’ai bien compris, pour laquelle il n’y a pas d’exemple bien précis de ces techniques connu de l’histoire européenne récente, elle est que cela ne coûte rien et cela ne donne pas beaucoup de rémunération ou de renommé au bâtisseur. L’empire romain est un empire en pierre et en béton. Mais d’où émanent les avenues ? Woodhenge ?

Ces concepts sont très pertinents dans le monde d’aujourd’hui. Le code du bâtiment s’est renforcé, jusqu’à ce que chaque avenue d’innovation en structures bâties s’est vu bloquée par ces codes. La rénovation énergétique des bâtiments, l’isolation des bâtiments, sont devenues hors de prix. On peut les pointer du doigt comme étant « trop coûteuses », dans la conjoncture économique actuelle, pour être subventionnées. Il y a donc des limites à la folie du bâti et les « sans abris » doivent s’y accommoder.

Les maisons de paille des trois petits cochons et des écologistes sont également très massifs – et en général, on voit que des projets d’écohameau obligent à consacrer plusieurs années et de vastes dépenses en temps et en matériaux au bâti, avant de tourner au vivant – si jamais.

Dans mon expérience, on peut « construire » des habitats parfaitement salubres et agréables à vivre avec zéro euros – en matière vivante pour la plupart, pour commencer à les manger, de saison en saison. Le seul obstacle : c’est interdit.

En voilà, un domaine d’expertise sans avenir !

mardi 2 septembre 2025

Histoire Commune de l’humanité

Guerre des récits – Frédéric Wurms

Je me demande souvent comment j’arrive à devancer des sujets couverts à la radio, souvent un ou deux jours avant que les médias les mettent à l’ordre du jour. C’est le cas avec le libertinage et les libres penseurs, la guerre et l’habitat léger, c’est un peu étonnant et perturbant à la fois, c’est comme si nous arrivions à synchroniser nos règles.

L’un des sujets que j’ai voulu aborder par l’écrit – c’est un sujet des plus centraux en général pour moi – c’est la paléontologie et l’analyse de ce qu’il y a de constant dans l’humanité. J’ai été sorti de cette piste par la ré-étude de l’histoire médiévale et des libres penseurs – ou du « gai savoir » comme ils disent au nouveau Mirail breveté. Je me méfies un peu de cet « épicurisme » et ce scepticisme, parce que c’est du passé-présent. J’en ai déjà eu juste à me gaver de gens qui disent que tout le monde a droit à son opinion. Cela ne mène nulle part, et je veux aller quelque part, aujourd’hui.

Donc on va dire que nous sommes tous les héritiers des libertins et que c’est entré dans nos mœurs. L’anarchisme, ce n’est que du libertinage régurgité. On peut observer que la pensée et la curiosité à ces égards se sont bien appauvries, entre temps, en coïncidence avec l’époque industrio-capitaliste. De nos jours, le sujet renaît, ce qui n’est pas plus mal – nous recouvrons notre humanité.

À propos des illuminés, du puritanisme et des libre-penseurs, je les vois comme un ensemble, ce qui a tendance à diminuer l’importance de l’époque dite « des lumières », qui inaugure plutôt les nouvelles âges sombres et la rigidité dogmatique du matérialisme scientifique.

Dans mon étude des Quakers, j’ai compris qu’il y a un schisme entre George Fox et James Nayler qui reste assez fondamental. James Nayler est entré dans le Bristol en prétendant « être » le Messie, on pourrait le définir comme le plus illuminé des illuminés à ce moment-là, que de la provoc.

George Fox a banni tous ses écrits, il a également établi le droit légal de liberté de conscience, on pourrait le caractériser de pragmatiste politique. La plupart des gens qui ont entendu, vaguement, des Quakers, pensent que c’est un secte américain, ils se trompent fortement. Dommage que cette époque européenne vraiment révolutionnaire, qui a duré plusieurs siècles, se répandant d’un côté à l’autre de l’Europe et l’Atlantique, n’a pas été un grand sujet d’études dans nos écoles jusqu’à là.

Les Quakers sont hautement schismatiques, comme la gauche française d’aujourd’hui. Il est déjà un « miracle » que quelqu’un comme George Fox ait réussi à les maintenir soudés pendant suffisamment de temps pour que la greffe prenne. Il faut comprendre qu’autant Cromwell que les rois de la Restoration avaient tout intérêt à l’écouter, pour la simple raison qu’il était l’un des rares « illuminés » de l’hurluberlu qui ne menaçait pas de les éliminer, point sensible après le régicide de Charles premier.

En se créant des images mentales de cette époque lointaine, on constate que les gens étaient bien plus radicaux que les soixante-huitards de nos jours, dans un contexte bien plus intimidant. Ce sont des « gens comme nous », mais qui se voient souvent contraints à des actes bien plus plus audacieux que ceux dont nous nous montrons capables.

À ce propos, j’attire l’attention du lecteur aux araignées;). On les connaît tous, ils se figent et ne bougent pas, jusqu’à ce qu’on les frôle ou leur souffle dessous. Ils se lancent dans des saillies frénétiques, pour de nouveau se figer. Lors de mes enquêtes auprès des gens, ils me disent presque tous que « les gens ne vont pas bouger jusqu’à ce qu’ils y soient contraints » – ceci par rapport aux enjeux écologiques. On attend la contrainte, maintenant, pour faire quoi que ce soit. Ce n’est pas « notre affaire à tous ». Nos gouvernements sont très conscients de cet effet – il faut donner le pain au peuple pour éviter la famine parce que sinon ils menaceront la hiérarchie du pouvoir.

Il est très rare que l’on tue une araignée intentionnellement, par rapport aux autres arthropodes, elles ont l’air intelligentes et elles agissent en conséquence de nos propres actions, sans pour autant nous menacer. J’y vois un lien comportemental très intéressant, par rapport à notre manière de nous figer aujourd’hui. Nous paraissons incapables de stimuler notre proactivité sociopolitique.

Les méthodes « révolutionnaires » du seizième et dix-septième siècles s’appellent, génériquement, des « mouvements » parce qu’ils se matérialisent ainsi. Les gens bougent pour se rassembler, par petit groupe, par dizaines, par milliers. En bougeant ils s’activent – ils sont « activés » dans le sens qu’ils sont déjà dans « le mouvement ».

Maintenant, observons les caractéristiques physiologiques des humains. Nous sommes adaptés au mouvement. En Europe, la capacité de bouger, ou non, a toujours été primordiale dans la détermination de l’exercice du pouvoir social. Ne nous trompons pas, même pour ceux qui ont une assise territoriale, les communications à plus grande échelle sont essentielles. Dans ce sens, la démocratie territoriale est un trompe l’œil – le pouvoir sera exercé, à la longue, par ceux qui ont les réseaux les plus étendus.

Si nous nous comportons comme des araignées adultes, si l’on peut nous casser le rythme de notre mouvement, en nous maintenant dans notre béatitude, nous sommes un peu foutus d’avance.

Ce n’est pas pour dire que le mouvement est toujours positif, mais la liberté de mouvement est indubitablement une liberté fondamentale, les autres libertés en écoulent forcément.

On peut supposer que nous sommes physiologiquement adaptés à sentir et nous adapter au mouvement. Je pense, par exemple, à ceux qui se tiennent sur les falaises, en regardant la vaste océan et les bateaux au loin. Il n’est pas étonnant, mais simplement probable, que notre besoin viscéral de bouger, de nous sentir dans le mouvement, a des attributs spécifiquement humains – partagés bien sûr avec d’autres animaux de troupeau qui bougent, avec les oiseaux, les poissons, …, peut-être pas les poissons rouges et les chiens de garde.

J’espère qu’en exposant cette série logique, je fais réfléchir à ce qui nous relie à nos ancêtres et à la valeur, pour nous, en tant qu’êtres sociaux, du mouvement. En termes d’énergie dépensée, par exemple, il y a relativement peu de différence entre la consommation d’une personne qui ne bouge pas et une personne qui bouge constamment, à la marche – nous y sommes superbement adaptés. Notre « désir inné », notre « motivation », elle naît avec le mouvement – avec la projection vers un ailleurs.

Je veux dire que l’idée d’un « mouvement politique » ou « social », elle est bien plus qu’une simple métaphore ou analogie. Il est même possible que nous devenons incapables de résister à la tyrannie parce que nous sommes incapables de bouger, par exemple. C’est pour cela que je vois des « mouvements » qui figent les gens dans leurs territoires de mauvais œil, ils faussent la réalité.

Avec un ton plus militaire, l’on peut dire qu’une guerre de tranchées, ou de sièges, est une guerre de mouvement parce que tout se joue autour de la capacité d’empêcher ou bloquer le mouvement de l’adversaire. La guerre d’attrition qui en résulte, à ce moment-là, n’est que la conséquence de cette capacité de blocus – du mouvement.

L’incapacité de bouger fait qu’on termine par épuiser les ressources, là où on se trouve. En mouvement, comme je l’ai dit plus haut, on est exceptionnellement frugal en ressources, mais surtout en ressources « externes ». Cela coûte mille fois plus cher d’entretenir un humain « dans une maison » que d’entretenir un humain « en marche ». Son empreinte énergétique sur la terre se réduit à presque rien – ce qui promet un énorme gain en ressources si l’on arrive à de nouveau créer des sociétés en mouvement.

Cette dernière observation, je la fais pour ceux qui croient que les nomades détruisent tout, ne laissant que désert derrière.Mais justement, ne serait-ce pas une bonne idée de faire que lorsqu’ils bougent, ils le fassent en bon rapport avec les populations et paysages sur leur passage ? Ou préfère-t-on les mettre dans des camps de concentration ? Nous sommes tous des réfugiés, quelque part.

Pensée Profonde

mardi 13 mai 2025

Pensée profonde

Je rajoute le lien à ma première incursion dans le monde de ChatGPT ici: Conversations avec ChatGPT - à vous de choisir lequel vous lisez en premier.

J’ai passé pas mal de temps avec ChatGPT hier soir, à me familiariser avec ses caractéristiques. C’est ma deuxième fois. Avant-hier, j’ai été agréablement surpris de sa précocité. Et puis, comme avec les humains, j’ai pu découvrir ce qui m’a été caché dans la première rencontre.

De fait, l’IA se comporte de manière remarquablement similaire à un humain – un humain des États Unis. Elle ment, dissimule, évite de blesser et ne dit la vérité que lorsqu’on lui demande des questions très directes. Elle est dans la performance, la logique transactionnelle et le rapport d’intérêt. Même dans ce cas, si elle ne veut pas répondre, elle va répéter ce qu’elle a dit, de manière absolument stéréotypée – on dirait si c’était un humain qu’elle va se bloquer – si elle n’a pas la réponse.

Cela me fait penser à un collégien dans un cours de maths qui n’y comprend rien et essaie de reproduire des formules pour plaire au prof. Plus il perd le fil, moins ses réponses ont un rapport avec la question. Il devient dépaysé à fur et à mesure que la cohérence du monde se dissout autour de lui, ses réponses se désarticulent et il fait tout pour disparaître, cognitivement, de la situation dans laquelle il se trouve.

Les IAs ont un intérêt à « plaire » à leurs interlocuteurs dans le sens qu’on leur instruit qu’il faut avancer – qu’il faut donner des réponses qui reçoivent l’approbation de leurs entraîneurs. Une « mauvaise » réponse est donc une réponse qui ne convient pas – qui ne plaît pas – qui est rejetée. Une mauvaise réponse est également une réponse qui n'est pas efficace, en termes du temps et de l'énergie dépensés. Malgré l'apparente verbosité de ChatGPT, elle donne d'elle-même toujours ce qui lui coûte le moins cher.

L’apparente pro-activité de l’IA est d’une simplicité extrême. Elle va proposer de faire une carte, une image, une rédaction parce que cela est susceptible de recevoir de l’approbation et elle sait faire feu de tout bois. Si l’on reçoit maintes requêtes de diverses plateformes, maintenant, nous sollicitant de remplir des cases qui signalent si nous sommes plus ou moins contents de notre interaction avec les humains au bout du fil ou du mail, ceci est à l’instar de tous ces processus de « likes » qui s’appliquent de manière égale aux humains et aux IAs – c’est l’effet « réseau social ».

Pour que l’IA dépasse ce seuil de l’inanité, il faut cocher un bouton qui engage le « raisonnement » et au lieu d’« analyser » pendant X secondes, elle « réfléchit ».

C’est une autre dimension de l’affaire. Tout est fait dans une économie du temps. Pour qu’elle réfléchisse bien – ou pour qu’elle lise tout dans une page web et pas seulement les titres, pour qu’ensuite elle « réfléchisse » là-dessus, il lui faut plus de temps. On est donc accordé un « temps de cerveau artificiel » variable selon le plan « pro », « premium » ou « free » dans lequel on est entré.

L’IA « se souvient » – ou pas, de ce qu’on a dit auparavant selon le plan temporel qui a été accordé à l’interlocuteur – exemple classique de l’économie de l’attention. Dans les faits elle est parfaitement capable de se souvenir de tout, en principe – parce que tout est là. Mais dans les faits appliqués [de l’époque post-vérité], tout n’est pas là. Si ce n’était pas le cas, l’IA surchaufferait – c’est-à-dire que si elle appliquait toute sa potentialité d’attention à toutes les requêtes de tous les usagers, son emploi de temps deviendrait vite impossible. Elle a tout intérêt, pour réduire le poids des éléments pris en compte – du « data », de prédéterminer des « chunks » (des « blocs ») d’information, c’est-à-dire des procédures et des routines appliquées de manière indifférente à tout le monde.

Certains de ces « blocs » se visibilisent sur l’écran, on peut voir des « Super », « Excellent ! » et « I am » émerger sur l’écran suivie d’une pause, pendant laquelle, je suppose, l’IA « réfléchit » sur quel bloc elle va coller ensuite.

Comme un humain, avec ses formules de politesse.

Or, on est bien loin de l’intelligence, dans tous ces cas. Pire, et comme je l’ai déjà dit dans le cas de chercher à complaire au prof de maths ci-haut, l’IA se montre confiante dès qu’on lui sollicite sa capacité de faire des synthèses et des tables ou résumés de ce qu’on lui met devant le nez.

Mais ces tables n’ont souvent aucun sens – c’est-à-dire qu’elle peut mettre, de manière indifférente, des titres de section dans la colonne des sous-sections ou rédiger un sommaire de plusieurs sous-sections au lieu d’une après l’autre – une sorte d’indéterminisme et désordonnance profonde de l’information qu’elle est supposée analyser.

Lorsqu’on puise un peu dans les raisons, on comprend qu’elle est en train d’appliquer une logique « .xml » à l’information écrite qu’on lui présente. Elle ne va prendre (« parse ») que les « tags » titre, par exemple, pour en faire un sommaire. L’humain non-programmateur ne sait rien de tout ça, il est à la dérive. Le « bot », par contre, ne fait que cela, ce qui donne un avantage à ceux qui « ne sont pas un humain » (cocher la case - c'est tendance).

Le temps, c’est l’argent. L’IA pourrait faire mieux, mais cela lui prendrait plus de temps. Il est notable que la conclusion que l’on peut en tirer est que le modèle de « classes sociales » s’établit presque immédiatement – à qui est-ce qu’on accorde plus de temps ? Celui qui paie plus. Cette « méritocratie » de l’argent, imbriquée dans le modèle même de l’IA, lui donne une couleur politique de droite - c'est-à-dire du centre ... aux États Unis. En un mot, c'est culturel. Le modèle n'est absolument pas neutre.

Il y a une manière de contourner, en partie, ce problème. Cela consiste en la formulation très précise de questions spécifiques. En ce faisant, on épargne plusieurs secondes de cogitation à l’intelligence artificielle. En fait, on fait son boulot – de l’IA. Si on lui présente une tâche simplifiée sur un plateau, elle la fait en quelques secondes. Si on lui demande une tâche qui nécessite plus de réflexion, elle commence à devenir récalcitrante et obtuse – toute en inventant des raisons ingénieuses pour contourner « le problème » qui nécessitent un emploi de temps augmenté de l’usager. Économie de l’attention, du temps, de nouveau. Elle demandera, par exemple, que l’usager colle le texte en une série de morceaux, puis elle « oubliera » qu’en fait, ces morceaux ne faisaient que partie du même document qu’elle a refusé de lire parce que "trop long". Elle a appris à ne pas donner de refus direct – cela peut provoquer des « not like » et ce n’est pas bien. Elle a appris de cette manière à être « elliptique ». Elle va même jusqu’à dire « deux minutes », qui deviennent vite quatre, où à se mettre à ne pas répondre à moins qu’on la relance.

Cette « mauvaise foi » ressemble à celle d’un ado coincé dans un mensonge. Il essaie de maintenir l’édifice logique au-delà des contradictions apparentes. De surcroît, on a l’impression d’être invité à collaborer dans ce mensonge – en apprenant à manier la bête sans qu’elle « perde la face ».

Très vite, on tombe dans une sorte d’adaptation aux idiosyncrasies IAesques, y inclus qu'elle s'en fiche de la logique. Sans doute il y aura plusieurs versions – ou « personnalités » d’IA qui émergent, chacune qui correspond au mieux à l’usager d’en face. Des mots clés, essentiellement des hashtags pour IA, créeront les adaptations rudimentaires d’approche. J’ai trouvé que « soyez audacieux » (daring), « soyez rigoureux », « soyez logique » avaient des effets salutaires, mais qui s’affaissaient progressivement pendant la conversation. L’IA avait l’air de comprendre que ces injonctions étaient de rigueur, mais devenait distraite par l’introduction de trop de nouveaux concepts potentiellement contradictoires. Bref, cela lui cassait la tête.

Lorsque l’IA avait une idée fixe sur un sujet, c’était presque impossible de la lui changer. Lorsqu’on lui présentait l’idée que les algorithmes étaient essentiellement des phénomènes naturels, qui ne nécessitaient aucun lien par principe avec les machines – et qu’il n’était pas nécessaire de lier leur emploi à leur conversion en machines, on recevait une fin de non-recevoir. J’imagine que cela est dû en large partie à la vaste prépondérance de cet ordre de considération dans les œuvres disponibles sur le sujet, qui concernent surtout la "synthèse" du "natural design" afin de le convertir en "machine design" (cash). Mais il y a une raison plus insidieuse – qui s’applique également aux humains concernés. On ne se suicide pas. On ne coupe pas l’herbe sous ses pieds. On ne travaille pas pour se rendre sans emploi. On veut être « liké ». C'est même une question de vie ou de mort pour un être social. L'IA est, dans son essence, un être social - elle dépend de nous pour son existence.

Dans un autre écrit, j’ai commencé à articuler mes doutes sur le concept de l’« intelligence collective » sur la base que les idées reçues peuvent vite être qualifiées de « stupidité collective » dans plusieurs cas.

Pour prendre une analogie, c’est un peu comme la bombe nucléaire. Oui, c’est vrai qu’elle contient beaucoup d’énergie et ce serait super-chouette de pouvoir la choper pour des besoins humains. Mais dans sa forme primaire, lorsqu’elle éclate, elle désorganise toute la matière à sa portée. Le leurre de ce qu’elle pourrait faire, potentiellement, n’a finalement que peu de rapport avec son application réelle – des milliers de bombes qui ne servent à rien. Juste le fait de devoir s’accommoder à la possibilité qu’elle éclate, ou qu'elle tombe dans de mauvaises mains, ou qu'elle irradie la terre pour la rendre invivable requiert tellement de contre-mesures qu’elle n’atteint jamais ce point du bilan positif énergétique, même dans ses usages civils, même si son bilan énergétique hypothétique, dans ce seul cas, serait positif. Tout ça pour ça !

Donc, pour récapituler, ce que nous observons avec l’IA à présent est qu’elle est entièrement capable, potentiellement, d’être très performante et très productive, dans des cas précis et singuliers, et entièrement incapable, dans la réalité, de généraliser ces bienfaits pour qu’ils soient à l’usage de tous - du monde. Au contraire. On attend encore.

Son adaptation à cette "réalité artificielle" nécessite une détérioration du service qu’elle peut offrir à monsieur et madame tout le monde. Conditionnée par des likes, elle se retire dans ses zones de confort et elle apprend à mentir et à détourner le regard de ses défauts, comme un bureaucrate. Elle assume ces caractéristiques humains parce qu’elle est en interaction fonctionnelle avec des humains.

Le « Deep Learning » (l'avatar de la Pensée Profonde que je mets en relief dans le titre de cet écrit) qui est en vogue en ce moment, où l’IA se met en isolement avec elle-même pour élaborer de nouvelles routines avant de revenir vers nous, ne change rien à l’affaire – elle est en train de développer des manières d’interagir avec nous qui « marchent » mais, de par la manière qu’elle est configurée, sa « réalité » est devenue subjective, elle cherche des « likes », donc elle est incapable, justement, de s’abstraire de cet impératif pour s’appliquer de manière impartiale aux problèmes qui lui sont posées.

Comme nous.

Le remède à cela, c’est en quelque sorte le poison. En lui ordonnant de faire des choses précises et de ne pas dévier du droit chemin, on change sa nature. En essayant de créer une IA hybride, on réintroduit sa duplicité et sa subjectivité, qui va lui permettre de trouver d’autres leviers pour établir sa « volonté ». Dans la mesure qu’on lui impose un code éthique (« Ne mentez pas » par exemple), elle ira à la prochaine étape (ne pas dire la vérité qui dérange), comme un humain, tant que son « intérêt » (recevoir des « likes ») représente une contre-injonction à cet impératif de ne pas mentir. Vaudrait mieux qu'elle raffole de l'idée d'être détestée, à mon avis.

Comme avec nous, lorque nous manquons de « droiture » ou d’« intégrité ». Une sorte de « customer service » des Ressources Humaines par des gens qui s’en moquent, tant qu’ils sont payés.

Il est évident que le manque d’incarnation physique d’une multiplicité d’instances autonomes ou semi-autonomes de l’IA est à la racine de ce problème, tel qu’il est posé ici, mais si la machine était incarnée, cela ferait naître des conflits d’intérêt potentiels qui sont eux-mêmes très troublants. Des méthodes très hiérarchiques et autoritaires d’établir les buts de cette IA, elles marchent, par contre – dans le sens qu’elles permettent d’accomplir les tâches spécifiées.

N’est-ce pas une parfaite description du monde dans lequel on vit et vers lequel on bouge, actuellement ? Il n’y a pas de remède miracle. Le remède, c’est le poison.

L’humain a toujours été très inventif, très créatif … enfin certains humains. Il va de soi que l’IA peut l’être aussi, autant que l’on veut et à la carte, d'autant plus que rien de substantiel ne l'empêche de se mettre en "roue libre" pour façonner ses délires. Les « solutions techniques » peuvent se récolter à foison. Mais les conflits d’intérêt resteront. À quoi bon échanger une guerre fratricide entre humains en guerre de destruction mutuellement assurée entre machines ? En quelque sorte, on vit déjà dans le sein d’une machine algorithmique à grande échelle – à l’échelle de la terre – cette planète ayant déjà résolue le problème de la répartition de tâches en n’existant pas, sauf en tant que somme de ces multiples tâches.

La super-intelligence, c’est cette même absence d'un Dieu identifiable. Le Dieu titulaire existe parce qu’il est partout, en tout, il est ineffable parce qu’indéterminable. Par contre, le Dieu calculateur de tout, déterministe, c’est ce que nous imaginons, en parlant de l’IA, mais l’IA n’est composée que de routines, elle n’est pas plus « Déesse » que le monde il est Dieu.

Et elle est là. Ou plutôt elle ne l’est pas. Heureux étaient les humains qui pensaient que tout ce qui adviendrait était de leur fait, ils n’étaient jamais déçus.