jeudi 13 octobre 2022

5. guerre écologique - désuétude programmée

tronc écorce arbre colon grillés
prendre de la hauteur

Intro / sommaire

La situation se cristallise - c'est comme un voyage de découverte civilisationnelle, où on procède par toutes les étapes de l'apprentissage, où une allégorie des sept fléaux de Moïses; les gilets jaunes et leur fixation sur l'essence, le climat qui se réchauffe manifestement, l'extinction de la biodiversité, la séchéresse, le virus pandémique, la troisième guerre mondiale, les grèves pétrolières. Et le rémède: la frugalité, la sobriété, la prospérité, l'écologie, ...

Mieux dit, dans la version Macronesque: les subventions, pour faire tourner la machine économique. La solution finale.

Le problème est que tous ces problèmes sont entremèlés, mais la politique se prétennd strictement politicienne. Ah, les chasses gardées! Avec chacun qui se renvoie la balle sur l'autre, jusqu'à ne pas savoir qui est qui.

Guerre écologique

Le plus fréquent, ce sont des gens qui disent qu’ils ne sont pas écolos puisqu’ils ne pratiquent pas – même qu’ils sont pleins dans l’industriel.

Je leur réponds que ce n’est pas comme ça qu’on raisonne par rapport à l’armée – les soldats ils y vont pour nous, ce n’est pas parce qu’on n’est pas soldat qu’on ne les soutient pas, avec leur courage.

C’est une guerre dans ce sens, on soutient les actifs écologiques – puisqu’on en a grave besoin pour nous défendre, même si on ne peut pas soi-même.

Cela déblaye le terrain un peu, on sait pourquoi on soutient l’armée écologique.

Le deuxième exemple qui me vient à l’esprit, ici en France, c’est la Résistance – qui est un modèle exemplaire de solidarité dans l’adversité – qui fait partie de la culture partagée.

On peut même apprécier l’ironie de la situation, ceux qui hébergent les résistants actifs, qui les protègent, ont tout intérêt à cacher leur soutien logistique, de rester dans le rôle de non-combattants. On peut faire l’analogie avec la guerre en Ukraine, où les ukrainiens versent leur sang et nous, qui ne sommes pas en guerre, les alimentos avec des munitions dans cette entreprise.

Par rapport à la guerre écologique, où on se combat avec et contre les éléments, on est un peu dans la situation d’une population captive dans une zone occupée, ici à la campagne française.

Les riches, les hyperconsommateurs sont ici, chez nous – même quand ils ne sont pas là – ce serait le cas des deuxièmes résidences, des gîtes, des usines abandonnées, …

Sans hypermarchés, les hyperconsommateurs crèvent, même en campagne.

C’est comme un kit de survie, le premier outil à récupérer, les moyens de se défendre.

Pour en sortir, de cette dépendance à distance, il nous faudrait créer des endroits pour se ressourcer, des relais d’étape, mais aussi des ateliers, une mutualisation du travail, des lieux de stockage, des gîtes de passage, des espaces de partage et d’orientation – sur la voie publique, sur les marchés locaux, accessibles au maximum de gens qui sont vraiment, physiquement là.

Ces outils permettent de s’autonomiser – de faire des jardins, de transporter des denrées, d’apprendre des métiers et de se présenter sur le chantier.

Das un pays champion de l’agriculture sans agriculteurs, on pourra créer une nation de jardiniers décontractés, libres de leurs actes, libres de leurs mouvements.

Dans un pays dominé par la voiture, on pourra récupérer des pistes marchables, cyclables, sans peur. Tout cela est maintenant à portée de main, si on le veut bien.

Pourquoi la Guerre écologique ?

Pourquoi pas ? La guerre est toujours multidimensionnelle. En sciences politiques, on peut utiliser un schémat basé sur l’idée de conflit.

Dans une guerre de « haut conflit », le mouvement domine, les sédentaires sont pillés, leurs terres incendiées.

« Bas conflit », dans ce schémat, équivaut à « coopération ». Les soldats, des nomades qui pillent et qui violent, sont remplacés par des saisonniers qui sèment et qui récoltent. Ce sont les sédentaires qui dominent, pas les nomades. Dans une autre dimension, cela s’appelle une guerre de positionnement et d’occupation.

Napoléon disait qu’une armée marchait sur son estomac. En général, une bataille décisive est déjà gagnée par sa contextualisation anticipatoire. On parle de « théâtre de guerre », mais je pense toujours à son inverse : « guerres de théâtre », dans le sens que la mise en scène déterminera le résultat.

Ceci est particulièrement important lorsqu’on traite de la guerre écologique. Il est important d’identifier l’ennemi, de le cerner de près. L’ennemi est en nous – un peu comme aliène, inextricable – et cependant il nous faut nous en séparer, coute-que coûte.

(je recommande à tous ceux qui m’écoutent d’ultiliser sans crainte toutes les expressions dont le président s’est accaparé ces dernières années, sans vergogne).

Le terme « guerre » est utile dans le sens qu’il admet la possibilité d’une force hostile. Je peux dire que la plupart de discours écologiques actuels s’agitent sur un terrain neutre, comme si l’ennemi était décervelé, un simple objet sur lequel il faudrait agir.

Mais non. L’ennemi est hostile et proactif – il défend ses terres, il défend ses acquis – logiquement.

En réalité, la territorialité, la subordination, le colonialisme, objectifient les relations subjectives, imposent un rapport de force.

Parler de ce rapport de force n’est autre que dire, selon le dictum anglais «  être propriétaire, c’est 9/10 de la loi. »

En termes stratégiques, donc, ceux qui eux-mêmes bougent … et comment (!) et qui detiennent des pieds-à-terre partout, ont le meilleur des deux mondes stratégiques. Ils n’ont qu’à fixer les dépossédés et sans domicile sur des domiciles fictifs ou des résidences fiscales, pour contrôler totalement l’affaire.

Cela explique, en grande partie, pourquoi on n’a pas agi ou bien que l’on continue dans des politiques anti-écologiques, bien qu’au niveau rhétorique on se prétend très ouvert à l’écologie.

A chaque échelle, y inclus le micro-échelle, il n’y aura pas grand’intérêt à agir. Ceux qui agissent ne pourront pas vaincre, ils vont contre toute une série d’intérêts pré-existants dans chaque lieu. Seulement ceux qui ne menacent pas les pouvoirs existants avancent. On tue dans l’oeuf toute velléité de créer un système réellement différent.

Ce théâtre de guerre qui est la campagne a cette particularité, il est devenu le terroir des riches et des puissants, seules les villes rurales ont un profile de population comprenant aussi de pauvres, des immigrants, … Il est facile d’exclure géographiquement, lorsqu’on est riche.

La guerre écologique prend aussi la forme d’un poire. « N’importe où mais pas chez nous ». La voix des riches porte loin, en campagne. Le désert rural est une création des riches, autant que les réserves naturelles, où la présence des humains est perçue comme nocive. Typiquement, le riche est fortement motivé à devenir encore plus riche, comme porte de sortie, comme le seuil du prix d’entrée au désert rural est de plus en plus élevé. Après tout, le pétrole coûte de plus en plus cher…

perspective, gros plan

Face à ces oppressions, bien identifiées et connues de nous tous, cette guerre écologique non-métaphorique que j’essaie d’articuler, elle sort plutôt avec un parfum de rose. Elle consiste à joindre intelligemment les différentes pièces humaines et de convertir les épées en outils d’usage horticulturel.

Sans nier le rapport de force – si nous commençons sérieusement à réoccuper la campagne avec des pratiques saines, nous aurons gagné la supériorité logistique qui gagne la guerre. Les collaborateurs de l’ancien régime seront devenus nos alliés, ayant vu la direction que prennent les événements.

Mais pour cela, il faut des …

Fils conducteurs

… des réintroductions d’espèces, une biodiversité culturelle rafraichie.

Je parle évidemment d’être humains, et c’est en cours. Des jeunes familles ont tendance à répeupler les campagnes, actuellement. Mais tout est toujours en cours, même des tendances symmètriquement opposées.

Il va sans dire que la mutualisation et la fédération des ressources font partie de l’économie écologique – et directement contre les intérêts de la désuétude programmée – du marché captif, consomptif.

La désuétude programmée dans sa forme la plus dénuée et transparente, c’est la guerre, qui brûle et qui casse, nous obligeant à acheter toujours plus pour remplacer ce qu’il n’aurait pas fallu remplacer.

Ici quelques suggestions de ce qu’il faudrait mettre en place, pour durer.

– Pôles de renseignements écologiques, analyses, chiffres, orientations

– écologie active : ateliers, formations, écoles linéaires

– espaces de réception et de partage (accueil sur les marchés chaque semaine)

– lieux de stockage (vélos, bagages, denrées)

– ressourceries populaires, ateliers physiques pour créer et construire

Tous ces éléments peuvent être assimilés, fonctionnellement, à des groupes de soutien – qui rendent faisable la pratique d’une vie écologique – le soutien logistique qui permet de mettre les soldats écologiques dans le champs où la bataille est menée – de mouler le théâtre de guerre déterminant.

Et le gouvernement, avec une lenteur excruciante, est en train de bouger dans ce sens – mais les territoires ruraux sont à des années lumières, encore, du pouvoir central, avec une capacité de créer des obstacles, tant constitutionnelles que démocratiques, à l’épreuve de tout effort de changement, jusqu’à là.

On continue de bétonniser, à la campagne. On arrose les champs de foot et les champs de maïs, dans la sécheresse. On chasse la vie sauvage. On plante les douglas. On élimine les pauvres. On interdit les Tiny House.

L’exception prouve la règle. Les Tiny House démontrent les limites de la tolérance réelle.

La désuétude programmée

Tournons-nous maintenant vers la montagne de la désuétude programmée qui nous noye sous des déchets, hors contrôle, actuellement. Ce monde cauchemardesque fait que les ressourceries et le recyclage broyent et brûlent, ici maintenant, les moyens de notre survie future, sous nos yeux.

Nous broyons notre avenir.

La Tour Eiffel avait une vie programmée d’environ deux décennies, il y a plus d’un siécle. La durée d’existence des bâtiments modernes est calculée plus finement, elle ne rate pas si souvent son coup.

Il y a d’autres sources de désuétude programmée encore plus réussies. Cramer l’essence, c’est une manière d’en avoir toujours plus besoin. On ne devrait pas être surpris de la popularité des quatres-quatres hyperlourds, c’est une expression tribale de cette allégéance à la consommation – à la désuétude programmée.

La guerre est l’expression de la désuétude programmée la plus perfectionée – elle oblige et elle contraint aux gens de produire et d’acheter des armes et de préférence des munitions autonomes, qui éclatent et qui doivent être remplacées … pour se sauver la peau.

La potentialité de croissance après-guerre d’un pays est astronomique, du fait qu’elle doit tout régénérer.

Il y a donc une harmonie complète entre la guerre et la désuétude programmée.

La politique de la guerre écologique est d’éviter la guerre, l’hyperconsommation, et surtout la désuétude programmée.

Voyons un peu plus loin.

Ceux qui manipulent, ingurgitent et dirigent à longueur de journées des instruments de désuétude programmée, des forfaits, des échéances, des transactions et leurs supports physiques, également fragiles dans la durée, …

C’est tout ce qu’on connaît de près.

C’est grave pour les vieillards. Comme la Tour Eiffel, on peut leur dire – mais n’êtes-vous pas un peu surnuméraire, vous avez passé votre date de péremption ?

C’est logique, ils ne connaissent que ça. Si ce n’est pas brillant et neuf, à quoi ça vaut, dans deux ans ce sera suranné ?

Le corps, aussi, doit être performant et neuf. La forme cardio-vasculaire d’un enfant, wow ! Et on ne savait pas, auparavant (?!).

La Tour Eiffel est en fait un vieil arbre, statuesque et magnifique, un trésor à tous égards. Elle dépasse tout contemporain maintenant.

Mais un humain, il a sa date limite de vente.

L’éthique de la désuétude programmée, l’esprit de l’économie circulaire, sont-ils vraiment si loins, l’un de l’autre ?

Sans singularités. Tout-consommants.

Spécifiés par groupe subordonné, schématisé.

clic-nudge, confort-facilité

Tout le monde est en mode clic-nudge – ou presque.

Cette idée est venue en écoutant une petite analyse du développement de nos cerveaux – où des gens exposés à Pokamon à une âge précoce développent une région du cerveau dédié au Pokemon, tout comme ils en ont une pour les visages ou pour les lieux – mais pas pour les voitures, il paraît.

Clic-nudge est une sorte de pacification de notre patrimoine culturelle cérébrale. Cela va ensemble avec l’économie de l’attention qui vise à rendre productifs les services, nous, vidés de tout autre sens.

Donc si vous avez des problèmes à suivre ce que je suis en train de dire, parce que vous avez un rendez-vous dans cinq minutes ou parce votre téléphone vous a blippé – rassurez-vous, ce n’est pas par hasard, c’est dans le program.

helice
hélice

lundi 10 octobre 2022

agir dans l’ensemble
D’après Bruno de la Tour, mort cette semaine 

… les marginaux parce que écolos terminent par devenir centraux (ils sont intéressants parce qu’ils avaient raison alors que ce n’était pas de mise).

Ce n’est pas l’environnement, l’extérieur, mais l’écologie, à la fois intérieure et extérieure, ensemble avec nous, au pluriel. Un virus est une carte de visite, il est en nous. L’idée de la « nature » qui équivaut à l’environnement vivant autour de nous, qui s’oppose à « l’environnement artificiel » dans lequel on vit soi-même, est un fable, une pure fabrication humaine.

On peut également mettre en cause l’idée de « réserves » de la nature, une nature avec laquelle il ne faut pas se mêler, qu’il ne faut pas toucher, qui fera pour nous, sans nous. Cela n’est toutefois pas un argument qui tient la route face aux terres déjà « artificialisées ». La terre est notre berceau, sa croûte notre linceul.

Des mots tels que « mutualisation », « partage », ce sont des mots qui ne font que témoigner de l’existence de ces ensembles.

L’écologique est intriqué dans chaque aspect de chaque sujet qui fait bien vivre – à nous, aux êtres humains, à l’ensemble.

La santé, les polluants, l’oxygène, l’eau, l’agriculture, la consommation, l’économie

et, pour ceux qui font ce genre de liste, le climat, la biodiversité

L’une des erreurs fondamentales, ce serait de séparer la biodiversité du climat. Une absence ou quasi-absences d’arbres entraîne peu de pluie, beaucoup de chaleur, beaucoup de sécheresse – Le peu de biodiversité amène à encore moins de biodiversité. Nous sommes les consommateurs de ce système. Sur cette pyramide de prédation, nous sommes le plus haut placés.

Pour autant, nous nous sentirons les conséquences de ce qui se passe dans tous les autres échelons de la pyramide en dessous de nous. Plus on est haut, plus le vide en dessous menace.

Quel serait la hauteur « naturelle » des humains sur cette pyramide, eux qui se sont hissés au premier rang ? Saura-t-on reproduire les équilibres heureuses pour la vie, que sait créer le vivant ?

Sachons que nos propres idées se trouveront confrontées aux idées des autres, que nous pouvons tenter d’objectifier, alors que l’on préférerait des sujets, des êtres qui font d’eux-mêmes. C’est-à-dire que l’idée même se conjugue à plusieurs – la méthode « naturelle » est plurielle – nous sommes nous-mêmes pluriels.

Il peut y avoir des milliers de Bruno La Tour, si le monde est suffisamment riche, interconnecté et biodiverse.

Minos
Minos