vendredi 28 octobre 2022 pour jeudi 10 novembre 2022

9. Globalisation-localisation

ZAD partout
ZAD Partout mais singulièrement discrète

leapfrog

C'est le jeu de saute-mouton. Lorsque l'Allemagne choisit d'acheter ses denrées militaires chez les Américains, pas chez nous, cela fait que la défense européenne autonome reste lettre morte. En fait, cela fait partie du jeu social et politique à chaque échelle depuis toujours, mais les règles du jeu ont changé. On n'a qu'à regarder l'histoire de l'immigration et des réfugiés, cela commence tout près, d'un bled à un autre, ensuite c'est de l'autre côté de la frontière, ensuite un peu plus loin - selon les moyens de transport et de communications qui existent. Maintenons ce concept en tête, je vais essayer de l'articuler au cours de cette émission. Pour être clair, je pense que, le problème identifié, il y a des solutions pour éviter le repli et la stagnation, sans pour autant rentrer dans une époque de chauvinisme invalidant.

Ce titre est un peu une blague. Nous savons déjà ce que cela veut dire, la localisation, c’est un usage du domaine de la signalétique, cela signifie identifier la source, le positionnement de quelque chose. En termes littérales, la globalisation serait donc « ne pas savoir où se trouve ni d’où vient un objet ».

Je suggère que ce n’est pas nécessairement une grande avancée. Les gens peuvent nous faire n’importe quoi sans être là et sans en être tenus responsables. C’est à peu près cela qui peut préoccuper dans la globalisation.

L'origine historique du mot globalisation est assurément matérialisée bien avant l'époque numérique, dans la forme de l'Empire Maritime Britannique. Un pur exercice de projection de pouvoir. L'aspect qui frappe, c'est que les britanniques ont pu, à partir d'une petite population sur une petite île, et pendant une courte période, dominer le monde, partout dans le monde. Grâce au transport et un certain flair administratif, peut-être - il est à noter que plusieurs composants nécessaires à cet exercice de pouvoir sont devenus sémi-autonomes ou indépendants.

Si depuis lors, rien d'aussi efficace en termes de "reach" - d'étendue de pouvoir avec si peu de moyens, a réussi autant, c'est parce que les techniques évoluées et l'accélération industrielle se sont vite répandues, de par les mêmes infrastructures qui ont assurée, pendant un certain temps, la primauté britannique. Notons que je considère ici l'aspect "global" de cette affaire - une autre nation qui pourrait réclamer cette qualité par rapport à son effort, c'est le Portugal. Dans l'antiquité, évidemment les grecs et autres phéniciens.

Prenons un cas contemporain. Visiblement, les pouvoirs autoritaires sont dans l'ascendance - et ils font des combines, à distance, pour rester maîtres chez eux.

La taille des nations est devenue le facteur gouvernant dans l'équilibre des pouvoirs actuelle, au moins en apparence. Les petits pays performants sont les équivalent des port-avions des grands puissances d'antan. Leurs aéroports sont les pistes d'atterrisage et de décollage.

Il est évident qu'il faut changer l'organigramme, on devient totalement détaché des réalités du terrain - tout terrain.

En réfléchissant sur la meilleure manière de communiquer certains messages, j'ai compris que pour une ville comme Millau, ce qui se perd dans un monde globalisé, c'est la reconnaissance du savoir-faire des gens localisés à Millau, l'effet terroir. Moi comme d'autres, j'irai plutôt vers un média national pour écouter les actualités et l'analyse des savants. Attrapé dans le système globalisé présent, on perd rapidement son individualité, en grande partie parce que les liens sociaux réciproques, entre temps, ce sont désagrégés, jusqu'à ce qu'il n'y ait pas la volonté de structurer notre savoir nous-mêmes - qui est à vrai dire assez grand, étant donné le niveau d'éducation et de formation des populations rurales.

Il y a des méthodes presque contra-intuitives pour faciliter cette acquisition d'intelligence collective, plutôt que d'ignorance et d'inactivisme collective. Les universités comme Oxford ou Princetown créent des contextes sociales de plusieurs petits groupes attachés à des infrastructures de savoir, bibliothèques, laboratoires, mais aussi activités. Tout est intensément social, on apprend à coopérer, à collaborer et à donner de l'espace personnel, dans un collectif où ces intérêts sont partagés et donc communs. L'atmosphère peut être intense mais relativement décontractée, ce qui laisse beaucoup d'autonomie à l'étudiant et aux profs. A peu près l'inverse des amphis des universités françaises des années 1970 jusqu'à nos jours.

Le problème qui n'est souvent pas très bien résolu, c'est celui d'intégrer la population locale - on dit "Town and Gown" à Oxford, "Ville et Cape des Collèges" - du code vestimentaire des collèges, initialement calqué sur celui des moines ("cathedral colleges"). Les liens ont tendance à se faire à grande échelle ou en petit groupe collégial, dépassant la population locale.

Il n'y a donc que très peu de mystère autour de la production de savoir - vous mettez à peu près n'importe qui dans ou à proximité d'un groupe humain plutôt convivial et fraternel, vous leur donnez quelques pistes à suivre - et ils le feront, en toute probabilité. C'est un cercle vertueux. Le retour, c'est la loyauté intéressée envers des institutions qui ont donné le coup de piston qu'il fallait. Pour les autres groupes politiques, ou industriels, ou que sais-je, la recette est à peu près identique. Cela a très peu changé. Dans un navire, vous avez tout le temps pour échanger et former des liens profonds et vous allez à la découverte du monde, un certain monde.

Le prochain rajout au mixte, auquel j'ai fait allusion en racontant l'histoire du Saint Affrique, plus loin, c'est donc cette fluidité du flux. Il ne faut pas oublier que l'Afrique, même exotique, fait depuis avant la colonisation grecque partie du monde connu et rôdé. D'adopter un nom pour une ville telle que Saint Affrique, c'est un peu l'équivalent de vanter son cosmoplitanisme, son ouverture sur le monde et son importance stratégique, c'est une forme de "branding".

Le localisme, par contre, est une illusion manifeste, presque un voeu d'extinction ou d'effacement subconscient. C'est une question qui a tendance à fissionner la société en ce moment, le repli communautaire contre l'ouverture et l'accueil. Les méchants et les gentils ... migrants.

On s'abstrait du monde, et d'interactions avec le monde, toute à la fois. Que des anomalies. Ces recettes de pouvoir bien rodées sont devenues des vraies boulets, qui nous empêchent de mener des vies d'interaction positive avec le vivant.

Je me trouve bien obligé de mélanger le sujet de la prochaine émission, sur la réalité éxpérimentée, vécue par l'ensemble d'entre nous: la réalité somatique.

Nous avons souvent l'habitude de trancher les choses en catégories, en oubliant de comprendre que l'un ne va pas sans l'autre. C'est le cas avec la réalité sociale et la réalité physique. La délocalisation, la déphysicalisation de notre expérience sociale, c'est un cas exemplaire à cet égard. Nous risquons tout simplement de devenir superbement inutiles, chacun d'entre nous, si nous poursuivons dans cette course folle vers la globalisation, mais c'est la faute du repli social, j'évite le mot "identitaire" puisque ce serait déjà trop dire.

Les migrants

Les réfugiés, les immigrants, les nomades, les gens de voyage, etc. Je me classifie en réfugié interne à la France, pour des raisons qui me sont propres et tout-à-fait intelligibles. Ni gentil, ni méchant. Ensuite, j’observe de manière moitié amusé, moitié désespéré, comment les gens, surtout ceux qui sont censés s’occuper de ces affaires, dans les assocs., les préfectures, etc., réagissent à cette auto-appellation – de manière super-négative. C’est les dé »finitions administratives qui comptent pour eux, et surtout pas le sens de la langue. Il m’arrive de penser que le Rassemblement National ne fait que suivre les tendances de ce qui se passe vraiment, chez des gens, plutôt des libéraux – des néo-libéraux, qui ne s’identifient absolument pas avec le racisme et la discrimination, mais qui sont ses fidèles serviteurs, néanmoins.

A Millau, on devrait, à vrai dire, être en train de créer un hub de mouvements, pas un "centre" d’excellence, mais un articulateur d'excellence qui attire du monde, de la créativité, de la variété. Le modèle de grands centres universitaires lointains, de stages à Rodez, de réseautage à grande distance, va exactement contre les intérêts et la vitalité locales, directement contre les intérêts écologiques.

Actuellement, nous allons quémander de toutes les forces qui se sont montrées inadéquates, au niveau du bouleversement écologique, de nous solutionner nos problèmes. Normalement, on vire les incompétents et on installe des compétents, dans ce cas. Mais bien que les forces politiques et industrielles en place se soient montrées défaillantes et irresponsables, on continue de chercher à leur attirer l'attention, mendier des subventions, et obéir à des critères administratifs chaque fois plus redondants. C'est une contradiction de termes.

C'est une question de pouvoir, mais aussi une question de techniques déployées pour retenir l'attention. Tout le monde sait, à peu près, qu'en pointant du doigt un ennemi extérieur, on renforce sa position interne. De la même manière, en créant des drames et des outrages entre des personnages politiques, on détourne le regard des questions les plus concrètes, à une autre échelle. Prenons la Reine d'Angleterre, et toute la pompe et la cérémonie qui est associée à la royauté, c'est idiot.

Prenons le cas de l'industrie de l'automobile, avec tous ses sous-traitants et les routes qui vont avec. On invente, littéralement, un débat sur le tout électrique en 2035, ou la réduction des émissions de carbone en 2050. Mais ce sont à vrai dire des leurres massives, cela ne peut pas et ne va pas se passer comme ça, et on le sait. C'est une politique fiction qui évite l'hostilité de ceux qui travaillent dans ou dépendent de ces secteurs. On a beaucoup moins de temps pour agir. Ou prenons cette histoire du nucléaire - un autre trompe l'oeil. Le nucléaire, comme toutes les autres technologies de taille industrielle proposées, a besoin de grands investissements coûteux en carbone en amont, alors que l'on sait que c'est le court terme, les prochaines trois années, qui sont les plus importantes. Le nucléaire consomme - et réchauffe - beaucoup d'eau, en fait réchauffer l'eau et le convertir via des turbines en électricité, c'est le fonctionnement d'un réacteur nucléaire. Quelle belle idée, par rapport à la biodiversité et le réchauffement du climat! Or, si on écoute les analystes, c'est le seul sujet qu'ils évitent de couvrir. Le bilan carbone est un simple raccourci de communiquant, d'autres gaz comme le méthane peuvent être aussi importants, la bio-diversité en est un autre - déjà, avec les sécheresses la terre, je veux dire le sol, dorénavant morte sur des grandes surfaces, va ventiler encore plus les réserves de ces molécules qu'elle a séquestrée au cours des siècles.

Dès que, pour une raison ou autre, les flux tendus d'une industrie ou d'une autre se détendent, les stocks de, par exemple, voitures invendues s'accumulent sur les parkings de leurs usines. Dès que nous commençons à agir avec sérieux sur la sobriété écologique, nous constaterons que nous sommes absolument gavés de produits industriels, au point qu'ils ne valent plus grand'chose. Pourquoi en faire du neuf - quand il serait mieux d'arrêter de broyer le vieux, dans le jeu infantile de la désuétude programmée?

La réponse : pour satisfaire à ceux qui votent, plutôt vieux, plutôt inculqués dans les valeurs industrielles et surtout plutôt dépendants de l'industriel pour leurs boulots.

Le gouvernement et toute l'élite décisionnaire est consciente de cette réalité de l'opinion publique, elle est pragmatique, en termes de politique électorale. C'est un peu comme avec la menace nucléaire - il ne faut pas dire la vérité, il faut rester dans le flou. Mais en réalité physique, l'époque de la voiture, du nucléaire et de plusieurs autres technologies dépensières d'énergie et de matières premières - par exemple les éoliennes, est déjà terminée. Une réduction de l'énergie généralement consommée va dans ces secteurs forcément baisser les prix et l'intérêt de ce genre d'objet, il y aura forcément beaucoup moins de travail dans le secteur et les gens qui y travaillent seront forcément bien moins rémunérés.

Notons que le bio, disons authentique, du fait qu’il est moins dépendant d’intrants à distance et qu’il fait son propre fourrage, a moins souffert des aléas internationales récentes. En Aveyron, on est potentiellement assis sur une mine d’or vert, en termes de potentiel non pas agricole mais horticulturel, si on arrive à augmenter la population utile et complexe des lieux, si on arrive à créer des habitudes de transport hyper-frugales.

Et c'est dans ces domaines que la croissance - et le progrès existeront.

A cet égard il est aussi intéressant de noter que les mouvements intellectuels et autres du passé ont souvent été bien plus interculturels qu’aujourd’hui. Tromp n'a pas tort, ni le chef russe des mercenaires et des hackers, de s'attaquer à l'oligarchie et aux riches, aux privilégiés et aux bien éduqués, qui eux sont ouverts au monde. L'intelligence collective de cette minorité mondiale menace - parce que mondialisée. Le Globish menace - jusqu'au sein du monde anglophone. Les anglais - les britanniques, n'aiment pas le Globish, parce qu'il peut y avoir des gens comme Macron, ou Tromp, avec leurs accents exécrables, en train de nous donner des leçons dans notre propre langue, en train de parler du monde anglo-saxon, ou de la langue américaine - alors qu'elle est la nôtre. Vous pouvez en juger de mes paroles parce que je crois qu'à parler le français comme je le fais, je produis à peu près le même effet ici en France. Le repli social n'est pas sans fondement, loin de là, mais c'est un instrument sur lequel les plus mal-intentionnés peuvent jouer pour, en réalité, dominer des territoires captives, tout en eux-mêmes étant les plus grands voyageurs. Personnellement, je ne voyage pas bien loin, j'ai appris de mes excès.

Le mot que je viens d'utiliser, c'est le mot "voyageur". Nuance. Les gens qui laissent des traces positives et durables sur les terroirs qu'ils occupent sont rarement des voyageurs volontaires. Africanus était réfugié de l’évèché de Comminges (Saint Bertrand de Comminges) et a donné son nom à Saint-Affrique, il y a plus de 1000 ans, quand la liberté de voyager et l'ouverture sur l'autre étaient plutôt établies - n'oublions pas que la question de frontières est relativement nouvelle. En Ariège, j’ai fait des petits boulots chez un fermier du coin. Son parcours ? D’extraction espagnole – ou au moins juste de l’autre côté de la frontière, son grand-père venait faire les saisons régulièrement. Ensuite son père est devenu métayer et propriétaire. Lui, fils du pays maintenant, a hérité de cette lente intégration.

Peut-être nous devrions reproduire le même schéma, si nous voulons vraiment avoir des populations intégrées et investies, de nouveau, à la campagne. Par contraste, je viens d'une famille de néoruraux anglais, très sensible au paysage et à son histoire. Nous ne sommes plus là, bien que tout a été fait pour durer.

Une grande partie des néo-ruraux sera partie au bout de deux ou trois ans, sans jamais s'enraciner, bien qu'ils croient être dans une autre démarche. Sans voyages lents, une vraie hospitalité fonctionnelle, sans des points de réelle attractivité sociale pour toutes les couches sociales, cette précarité du paysage fera que rien ne peut s'enraciner. Les rentiers et les rentes vont prédominer, ceux pour lesquels le paysage est employé à des fins purement extractives et récréatives.

Ou prenons le cas des exploitants agricoles - c'est dans le nom, c'est tout à fait déclaré, pas caché du tout. Depuis De Gaulle, il y a eu des efforts conscients de couper le lien vivrier du paysan avec son territoire, pour tout convertir en opération industrielle et il me semble que par une sorte d'osmose, la culture industrielle des fermes actuelles s'est enracinée comme une culture du "vrai agriculteur du pays". Les champs, comme ils sont à ce seul usage, sont littéralement la moteur de la destruction écologique qui tue le vivant. On n'a qu'à voir une terre nue pendant des hectares, en train d'évaporer sa richesse en eau, à attendre les pluies qui ne viennent pas parce avec des telles organisations du terrain, l'air est trop sèche pour en générer, des pluies. Non-contents du résultat du pari annuel des récoltes ratées, ils demandent qu'on leur vient en aide avec des subventions exceptionnelles, pour refaire l'année prochaine ce qui a causé les dégâts de l'année dernière, c'est fou. Mais le problème de base est qu'il n'y a tout simplement pas assez de monde, maintenant. On dit que la terre coûte trop chère, mais je vois plutôt un désert.

Ce qui a changé entre temps c’est les distances parcourues et les possibilités d’intégration véritable. Les migrations d’en haut se font souvent dans l’ignorance des langues locales – et imposent leurs modèles culturels sur le pays. Mais c’est pareil lorsque les machines agricoles des paysans locaux raclent et nivellent le paysage, comme si c’était un fond benthique.

Raccourcir les distances parcourues, en ralentissant les temps de trajet, recréer des emplois de temps à l'échelle humaine et pas constamment saccadées par des tiraillements de l'attention pour nous faire marcher, comme c'est le cas avec les téléphones portables et la série de mini-tâches qui nous rendent impossible la véritable concentration, encourager des relations moins superficielles avec l’environnement tant social que physique dans lequel on vit, tout cela indique que la localisation n’est pas une affaire de paroisse mais de flux et d’échanges d’information, mais avec des relais conformes à d'autres échelles que l'industriel, plus petites.

Et en faisant ainsi, les porteurs d'intelligence collective sont forcément les voyageurs, mais l'information qu'ils portent, c'est de l'information localement pertinente et responsive, qu'ils ont reçu directement des "gens du coin". Sinon, nos yeux seront toujours rivés sur les échelons supérieurs, plus distants, et nous aurons toujours envie de jouer le jeux de dépassement du local pour trouver des renforts et des rapports de force avec des forces extérieurs lointaines.

C'est un fils de néo-rural qui le dit. Nous devrions remplacer les intérêts sectoriels, de classe, avec une cohésion et une coopération sociales physiquement localisées, mais en mouvement et sans faire des jeux d'exclusion et d'inclusion par catégorie sectorielle - ou par localisme. Si quelqu'un est là et il est humain, il a son rôle à jouer. Et c'est cela la solution proposée, de transition réelle, qui quitte le système industriel, ô trop dépendant des forces extérieures qui s'en foutent de nous. Il est vrai que cela peut nous laisser très exposés à des ennemis extérieurs, comme la Russie. Il est même probable que notre note de crédit, national et européen, s'écroulera, de manière transitoire. Mais à vrai dire, c'est de l'innovation, sans laquelle rien ne se fera.

C'est là que la stratégie politicienne devient explicable. Pourquoi prétendre qu'une transition écologique peut se faire en gardant nos voitures individuelles, nos portables, notre style de vie d'hyperconsommation d'énergie industrielle ? Pour la même raison qu'il n'aurait pas fallu dire qu'on ne va pas tirer sur la Russie avec des armes nucléaires si elle tire sur l'Ukraine avec des armes nucléaires. C'est du bluff. Un discours de vérité va sans doute bientôt se matérialiser, au niveau du gouvernement. Dans un état de guerre, on maintient la fiction de sa force et de sa résolution - tout le monde est censé le faire. Par contre, à d'autres niveaux de la société, y inclus au niveau individuel, il y a beaucoup plus de marge de manoeuvre pour des expériences taille vrai vie.

Ne pas flouer les réalités physiques

Juste une observation, mais notre concentration sur les points chauds de la pollution, comme les villes, en ne pas parlant du massacre industriel de la campagne, cela pourrait être considéré anti-écologique. La catastrophe écologique en cours est assurément d'envergure globale. La montée des eaux, la fonte des glaciers, l'expansion thermique des océans, la sécheresse, la désertification, ce sont des phénomènes qui se passent sur des grandes surfaces - ce que nous appelons ici la campagne, la nature. Les villes ont une surface très réduite par rapport aux campagnes. Normalement, le point de levier le plus rentable, écologiquement, c'est l'action à la campagne - la réoccupation de la campagne. C'est un peu le même argument que l'argument qu'on utilise actuellement de la ré-localisation en France ou en Europe - le discours varie - des industries critiques au niveau stratégique - le lithium, les micro-processeurs, etc.

Ce qui change, c'est l'échelle à laquelle on applique cette logique. Une logique écologique, c'est une logique qui marche à l'échelle où on ne doit pas utiliser des véhicules motorisés, mais du transport vivant, principalement nous. Cela n'a jamais empêché le commerce de choses de suffisamment de valeur, comme le sel ou le café, à grande distance. Mais cela fait penser deux fois avant de transporter du béton dans des cimentières (ou du chanvre super-bio d'isolation) du nord au sud de la France, ou du sud de l'Espagne au marché de gros de fruits et légumes de Perpignan, si on a d'autres matières à proximité, de la main d'oeuvre, de l'outillage et des compétences très localement déplaçables.

Comment convaincre. Je viens d'entendre une bribe ... "aller dans les villages, parler avec les gens, expliquer pourquoi cela peut les intéresser", ... c'était par rapport aux néo-Zadistes des Bassines. Pour moi, l'explication, c'est dans l'acte. Il ne suffit pas du tout d'y aller pour expliquer - comme si c'était un exercice de vulgarisation scientifique, même le mot "vulgarisation" est arrogant et horrible. Il faut faire, et faire partie de la vie locale, dans une coopération réciproque.

C'est pour cela qu'il est tellement important d'établir des circuits réguliers, des gîtes de passage, tout ce qu'il faut pour faciliter l'accueil de gens à pied et à vélo. Ils peuvent faire le transport et la transmission par d'autres moyens que les moyens de la haute technologie - c'est à dire du monde industriel. Mais on ne les croira pas s'ils ne le font pas. C'est mon avis, en tous cas. De ce point de vue, le problème avec ces appels à l'attention des militants écologiques, c'est qu'on essaie d'appeler l'attention des puissants, mais les puissants, ce sont ceux qui doivent leurs positions à la maîtrise d'une technologie du passé - de l'époque industrielle super-consommatrice déjà passée.

L'avenir, pour nous tous, c'est le vivant, la biologie, la biotechnologie, mais, j'ai presque envie de dire, dans la socio-biologie plus que dans la biologie directe. Il faut, et très vite, réorienter l'éducation et les formations pour avoir des compétences surtout dans ces domaines. Même les outils de l'informatique sont en train de devenir bio. Nos disques durs, en tant qu'ils existeront, risquent de devenir des brins d'ADN lus et écrits par des enzymes - et sans métaux rares. Continuer de préférer l'industriel très primitif basé sur des métaux, des mines, etc., etc., c'est ce carcan conceptuel qu'il faut briser. Mais son transfert, dans une conception identique, envers des matières bio, n'est pas plus malin.

Dans une prochaine émission, je lirai un texte qui est déjà sur le site des émissions www.cv09.toile-libre.org « une chanson, une symphonie, un film, un algorithme des prises dans le mur d'escalade » dans la section « concepts ».

Ce texte traite de la réalité somatique qui peut advenir – l’expérience qu’on a, dans son corps et sensoriellement, selon le milieu – l’environnement dans lequel on se trouve, et aussi du coût énergétique impliquée dans ces métaverses que l’on a projeté de créer.

Je constate après l’écoute de France Inter que le métavers qui était Facebook est en train de foirer, pour à peu près les raisons que j’ai deviné dans l’écrit mentionné ci-dessus. Il me paraît que là où des réalités virtuelles pourraient intéresser, c’est lorsqu’ils permettent d’accompagner des tâches réelles – l’inspection d’un modèle en trois-D, la chirurgie, des danses synchronisées, l’apprentissage de gestes, l’entretien de l’attachement à des gens qui font déjà partie de son univers proche physique ou relationnel, etc.

Les vidéoconférences, par contre, ont déjà réussi pas mal à créer des groupes sociales – à remplacer l’interaction physique en présentiel. Je le sais parce qu’il y a des personnes qui m’ignorent parce que leur monde social est devenu l’écran, les sons, les voix et les personnes qui se trouvent là-dedans. Je ne suis pas sûr, par contre, que cela les aidera beaucoup dans leurs relations sociales avec les gens qui sont vraiment là, étant donné la réaction probable de gens qui se sentent ignorés.

Mais souvenons-nous que le remplacement du réel par le virtuel a déjà eu lieu – par nos voix physiques et nos récits, ensuite par la lecture, d’abord à haute voix, ensuite de plus en plus silencieusement, de mots écrits. Avant, on s’imaginait tout un monde à travers des contes et des écrits. Ce monde continue d’exister, mais il est peuplé de plus en plus par la jeune élite, ambidextre, qui lit des livres et utilise des smartphones.

Pour la majorité d’entre nous, il reste peu à imaginer, tout est déjà construit. Les images sont là, nous ne devons plus les développer nous-mêmes, ni le timbre de voix des personnages, ni le fond sonore de ce que nous regardons. Nous pourrions, c’est vrai, les changer, les customiser à nos goûts, mais il est plus facile de laisser cela à des algorithmes.Et pourtant, c’est étrange que ces images se voient sur des tous petits écrans et les sons sonnent au milieu de nos propres têtes, comme si elles étaient en nous ou devant nos yeux comme des petits génies dont on conjure l’existence.

Les ajustements cérébraux qui ont lieu actuellement, surtout avec cette distinction claire entre présentiel et distanciel qui nous a été présenté par la covide, sont préoccupantes.

L’autre essai se trouve également sur le site avec le titre infostruck, section pratique.

L’hypothèse est que pour regagner le contrôle sur la pertinence de l’information que nous recevons, pour nous, nous passerons obligatoirement par une retraite du cloud et une reprise en main de la communication humaine directe ou par messager humain interposé.

Ceci en partie parce que les alternatives coûtent trop chères, écologiquement. On déploiera des machines pour faire ce que font déjà très bien et fort à propos les humains, se communiquer et agir ensemble. Pourquoi faire, donc ? Qui veut être réduit à une passivité et une inertie très grandes, face à la vie, tenu à la bonne volonté de machines qui ne sont pas là ?

Pour mettre mes cartes sur la table depuis le début, je suis pour un chemin moyen, entre la globalisation et la localisation. Et c’est le mot chemin, l’aspect dynamique, la manière de faire le lien entre les acteurs de notre destin collectif qui m’intéresse. Je suis donc contre le retranchement chez soi et le survivalisme égoïste, que ce soit au niveau individuel, communal, national … Or, la voiture et tous les moyens de transport et de communication à énergie de machines sont à la fois ce qui est en train de détruire notre terre et ce qui donne un avantage massif à ceux qui sont les plus dépensiers et les plus riches, en termes d’influence et de pouvoir décisionnaire. Comme l’eau, on prend les ressources nécessaires à la vie, on les séquestre et on les utilise pour alimenter les machines. Les riches – les riches qui deviennent souvent pauvres en les achetant, détournent ce qui pourrait alimenter la nature pour alimenter des styles et des méthodes de vie qui n’ont plus rien à voir avec l’intérêt général.

Comme on l’a dit sur une émission de radio récente, le libéralisme a eu comme supposition une possibilité de croissance constante de production et de consommation, mais aujourd’hui, nous voyons bien que ce n’est pas le cas.

Il est donc urgent de créer des infrastructures et des habitudes de transport et de communication très, très frugaux et de créer ce qu’on appelle, pour le moment, une démocratie participative en étroit lien avec ce qui est autour de nous. Je rajoute que les seules ressources avec lesquelles il ne faut pas être parcimonieux, ce sont les ressources humaines, il faut rehausser notre considération pratique de nous-mêmes.

Dans le Monde du weekend (samedi-dimanche 5-6 novembre) il y a un supplément qui traite de la COP27. Un article traite du peu d’importance, surtout au niveau financier, donné à l’agriculture, par rapport au secteur « transport ». Je ne suis pas trop d’accord.

Le transport – les véhicules motorisés, y inclus les machines agricoles comme les tracteurs, ce sont eux qui déterminent très largement le type d’agriculture que l’on pratique et qui engendre notre dépendance sur une échelle d’approvisionnement mondial qui tue ce monde. C’est cela qu’il faut changer, dans le monde industriel. Radicalement. Et cela a des implications. Il faut qu’il y ait beaucoup plus de main d’œuvre non-motorisé dans la campagne, alors qu’actuellement on fait tout pour résister aux intrus, à la campagne – sauf s’ils apportent de l’argent à dépenser – ce qu’on appelle le tourisme de consommation.

Actuellement, en France, on dit qu’il manque de main d’œuvre. Il y a énormément de monde, en Afrique et au Moyen Orient, qui voudrait bien travailler chez nous. Mais imaginons un avenir tout proche où on arrête de dépendre des voitures et autres véhicules. Les chômeurs du secteur automobile risquent de devenir les paysans de demain.

Jusqu’à là, les politiciens, tout au moins en France, n’ont pas du tout été courageux à cet égard. Courageux, en jargon politique, cela veut dire dire les choses qui risquent de leur faire perdre les élections. Pire, ils n’ont pas lancé les projets pilotes qui démontrent comment on peut se passer des véhicules lourds – on a donc un manque d’expérience dans ce domaine quasi-totale et un genre d’omerta sur le sujet, fidèlement maintenue par les médias.

Le tabou touche tous les partis politiques, qui sont dans une rhétorique absolument idiote de remplacer les voitures à essence par des voitures à électricité, tout en maintenant des parcours et des trajets habituels qui ne peuvent se faire qu’avec l’infrastructure routière existante.

J’ai dit « courageux » - il est sûr que celui qui essaie de mettre en pratique des politiques raisonnées à cet égard perdra les élections, parce que, justement, une majorité des citoyens ne voteront pas pour lui ou elle. Surtout pas à la campagne désertifiée, occupée à présent par des populations réduites qui dépendent de la voiture pour leur existence.

On est donc dans un « écosystème » politique qui favorise les pires des excès anti-écologiques, exactement là où il est le plus urgent d’agir, à la campagne, à la nature.

Et la rhétorique, aussi bien que les actes de ceux qui se présentent comme les experts de l’écologie, de la nature et de l’agriculture, n’inspire pas confiance, chez ceux qui votent. Ils donnent l’impression qu’ils n’aiment pas les humains et qu’ils défendent la nature contre les humains. Ils proposent des réserves, des endroits où les humains sont interdits d’aller et d’interagir. Quand j’étais à la ZAD, j’ai observé et j’ai rencontré plusieurs de ces personnes, j’ai même inventé un sobriquet pour eux : les brigades « pas toucher ». Ils avaient l’impression, je pense, que dès que l’humain touchait à la nature, il la cassait, donc qu’il fallait mieux qu’il n’y touche pas.

Que ce soit vrai ou pas, priver les gens de contact utile avec la nature, tout en ne leur promettant rien que des sacrifices et des pertes de travail, n’est pas censé leur parler au moment des élections. Et on le constate.

Encore pire, si l’on voit des collectifs qu’on appelle des écohameaux, souvent très éloignés des centres de population et donc encore plus dépendants de la voiture, qui ne pourraient exister que par l’achat de terrains – qui favorisent donc le capital – où l’utilisation de tracteurs et de camions est totalement habituel. De nouveau, ces îlots de paradis terrestre ont existé en quantité non-négligeable depuis l’aube de la conscience populaire écologique moderne – disons les années 1960. En plus, cela a toujours existé, dans la forme de deuxième résidences à la campagne pour les riches.

Ils n’ont jamais dépassé une infime minorité d’adhérents, venant des classes moyennes et supérieures, dépendants d’autres sources de finance ou utilisant les moyens industriels pour tirer bénéfice de leurs biens – modèle capitaliste. On peut prendre comme exemples de ces deux tendances – conservation de la nature et agriculture « raisonnée » avec d’autres sources de revenu qui permettent de vivre dans des lieux très agréable, d’un côté Pierre Rab-hi, de l’autre Nicolas Hulot. Ou bien le Prince, maintenant le Roi Charles, qui fait les deux, conserver la nature et de l’agriculture bio, sur « ses terres ».

Il existe d’autres modèles écologiques beaucoup plus correctes, dans des pays comme l’Inde, où les salaires sont suffisamment basses pour rendre faisable l’utilisation de beaucoup de main d’œuvre et peu de machines. Du fait qu’on est trop pauvre pour se payer des voitures, on utilise d’autres modes de transport, la marche, le vélo, etc. Étant donné qu’une voiture coûte autour de 7000 euros par an, et pas beaucoup moins, même dans un pays pauvre, les gens peuvent bien vivre et en relativement bonne santé sur des revenus moins élevés.

Selon des reportages récents, bien que pendant des décennies les paysans sont devenus dépendants d’engrais chimiques et de semences industriels achetés, ils sont maintenant en train d’utiliser des méthodes naturelles très intelligentes, avec des rendements également performants, qui améliorent santé humaine et santé de la nature, ensemble.

Take Two

J’arrive à la médiathèque. La première chose que je vois, c’est le titre du Monde weekend : « Climat : la COP27, sommet de l’urgence absolue ».

On ne peut pas, depuis un certain moment, nier que notre élite est sensible aux enjeux écologiques. Par contre, au niveau local, la rhétorique et surtout les actes sont souvent désespéramment à côté de la plaque.

En termes de praticité, on est encore à l’époque de l’enfance – on n’a même pas lancé un débat pratique et sérieuse sur comment faire, si on voulait vraiment vivre de manière écologiquement cohérente. Cela va de soi que c’est une question d’infrastructure, mais nous devons subir une série d’analyses et d’émissions qui cherchent à nous provoquer des émotions, à nous remettre émotivement en contact avec la nature – actuellement j’attends d’écouter une émission sur un employé municipal reformé qui protège les arbres en grimpant dedans et en faisant du bruit. Cela aura sans doute un bel effet, mais ce n’est pas ou pas encore un homme politique, qui prendra des décisions sur la prochaine autoroute.

Or, on sait deux choses – on en a la preuve.1 ; «  Ils parlent de la fin du monde mais pour nous, c’est la fin du mois qui compte ». Ca, on le sait grâce aux gilets jaunes. On le sait aussi parce que ce n’est que lorsque cela nous touche dans notre chair, la sécheresse et la chaleur accablantes, que nous nous mettons à penser sérieusement à comment faire. Comment faire ?

Déjà faudrait-il commencer à écouter et à mettre en position de responsabilité décisionnaires ceux qui ont de l’expertise et qui ont été mis en marge et stigmatisés de radicaux ces longues années, on n’a plus le temps à perdre. Je ne vois aucune signe de cela et je suis bien placé pour le savoir. On a tendance à chercher les plus performants dans la société actuelle, comme si le fait d’être un soi-disant succès dans un monde où pour être identifié en tel, il aura forcément fallu s’enrichir, ou être « adopté » par l’élite, parce que l’on n’est pas méchant, on n’est pas un « challengeur », un concurrent sérieux, à l’âge de 17 ans.

Une série de femmes de plus en plus jeunes sont donc recherchées, pour se plaindre devant les grands de ce monde. Je ne les reproche rien, à elles, si ce n’est de jouer la jeune femme capable de provoquer toutes les émotions, donc d’assumer les rôles qui ne font que renforcer le stéréotype. Si j’étais dans leurs peaux, j’aurais du mal à choisir à jouer le pantin, l’influenceuse. Je pourrais très bien me dire que le jeu vaut la chandelle, finalement – et c’est très motivant de trouver un sens à sa propre vie. Je pourrais très bien essayer ensuite d’utiliser mon renom pour mettre en avant dans un livre la pensée d’autres gens que j’ai rencontré au cours de voyages en yacht et de serrages de mains avec des présidents.

Mais où est le sérieux, pour faire que la fin du mois des messieurs et mesdames tout-le-monde coïncide avec l’agenda de la fin du monde ? Cela ne peut que se faire avec des investissements de temps humain dans la création d’infrastructure non-industrielle, et surtout en arrêtant de le détruire. Le désavantage avec la notoriété de personnes peu plausibles pour gérer les affaires, c’est qu’on continue de vouloir les traiter sans sérieux.

J’ai dit qu’il y avait deux points. Le deuxième point, que l’on peut même déduire à partir du premier, parce que les gens ne sont pas complètement bêtes, c’est que l’élite politique et administrative essaie de nous leurrer, de nous berner, mais de manière complètement transparente – elle ne parle pas droit, mais de manière elliptique, elle introduit des mesures en tous cas, mais en trompe l’œil. C’est comme le non-dit, on paraît croire ici que si on ne le dit pas, mais qu’on emploie juste un ton de voir ou on invente des prétextes indirectes, c’est toléré de traiter les gens comme des idiotes.

Ce discours de la fin du monde, par exemple, est en train de se matérialiser en un discours d’investissement colossal en infrastructure industrielle – éoliennes, nucléaire, bassines, etc. Et à la fois, des mesures anti-voitures à petit feu mais soutenu. Or, on le sait déjà, ce n’est pas comme ça que l’on va solutionner nos problèmes écologiques, mais cela permet de donner du boulot, dans le meilleur des cas, et de maintenir un rapport de force relatif aux autres puissances mondiales et leurs citoyens, au niveau financier et militaire – de tenir les gens en respect, au niveau international. Dans l’intrahumain, donc, tout va bien, mais par rapport à la réalité naturelle, c’est plus que nulle.

On le sait. On connaît les incohérences parce qu’on est complice. C’est comme une dégradation de soi, amoindrissante. Praticité ! On n’a même pas abordé la question de quoi faire au niveau pratique.

Gouvernance mondiale ? Cela veut dire démocratie mondiale. Est-ce que cela pourrait vraiment marcher, déjà que le niveau national est très dépersonnalisant ? Comment se constituer en corps décisionnaires ? Si l’on ne veut pas être décisionnaire, comment faire déléguer ces responsabilités à autrui ? Les politiciens ont tendance à acheter leurs électeurs. Ils n’ont qu’à choisir une minorité agissante pour gagner des élections. Ce n’est pas vraiment la démocratie et cela veut dire que la majorité de la population, ou d’autres minorités, sont à dos contre les gouvernements dès le départ.

Lorsqu’on pense aux batailles rangées de nos ancêtres, on ne peut que leurs féliciter pour leur humanisme relatif, comparé à nos guerres contre les populations civiles, d’une inhumanité totale et englobante. Je généralise, sans doute, mais je ne pense pas qu’ils étaient moins humanistes, ni moins sages que nous, au niveau de l’humanisme, de la sophistication de leur pensée et du réalisme politique.

Rappelons-nous que le changement climatique et la perte de bio-diversité ne sont pas des sujets séparés, pas du tout. Je viens d’écouter une émission où le ministre de l’agriculture n’a pas arrêté de dire des choses idiotes, sans que les journalistes lui lancent des challenges là-dessus, c’était presque criminel et mine encore plus la confiance que l’on peut porter au média d’état français. Je cite « on ne peut pas faire du maraîchage sans eau ». C’est vrai, mais c’est si évidemment vrai que personne ne dit le contraire ?

Cela ne justifie pas les mégabassines, telles qu’elles sont conçues. L’agriculture industrielle et le pâturage/foin élimine les accidents de terrain et les volumes d’air humide surtout quand on se base sur des vastes champs entourés de clôture électrique. Les mégabassines, mais également l’abstraction d’eau à grande échelle dans des puits ou par pompage des rivières, se fait partout déjà. Le rendement par hectare de petites surfaces est supérieur à celui de ces grands champs industriels. La valeur rajoutée par la transformation permet aussi d’augmenter le rendement, par hectare. Utiliser une partie de ces mêmes surfaces pour un habitat humain écologiquement positif est aussi très utile, j’ai développé pas mal de modèles qui le démontrent, visibles sur mon site.

Les jardins forestiers et le paillage limitent drastiquement l’usage d’eau. Les haies, les arbres et les accidents de terrain réduisent le dessèchement par le vent. Mais le ministre n’a pas été une seule fois bousculé dans ce qu’il a dit. Les journalistes n’étaient tout simplement pas équipés mentalement pour le contredire. Si j’étais Ellen Musk, je les virerais à l’instant même. Ils étaient en train de justifier notre méfiance à leur égard et de jouer un jeu sordide avec le ministre, porte-parole du lobby industriel. Lui, de sa part, apprendra qu’il peut dire n’importe quoi. Cela ne favorise ni lui, ni son groupe politique, ni son média, c’est juste con. Il paraît qu’ils sous-estiment totalement l’intelligence des gens et qu’ils pensent pouvoir les encourager à se comporter comme des bébés émotifs, irraisonnés. Pas de sérieux. Pas pointu. Pas un bon exemple.

En revenant sur cette histoire de globalisme et de localisme, il faut questionner la prémisse que le monde fonctionnerait mieux si le localisme était prédominant dans la prise de décisions. Avec les voitures et les routes, il est vraiment facile de vivre des doubles vies dans des doubles résidences. En excluant les pauvres, sauf la classe de servitude aux riches, on sera toujours majoritairement pro-élite à la campagne, puisqu’on en fait partie ou on en dépend. Les états unis sont en avance sur nous sur cette gentrification, cette zonification de la campagne en réserve des riches. Ils apprécient aussi les peuples premiers, dans leurs réserves.

Manque de sérieux, de nouveau. On peut créer un monde que pour les riches comme cela – comme les états unis – comme la campagne française, mais que faire avec ceux qui ne sont pas riches ? On ne peut pas les laisser traîner. La richesse peut protéger, mais elle peut aussi détruire, c’est ce qu’on est en train d’apprendre. Et ce qu’on a pu mettre à l’extérieur de chez nous, les guerres, les problèmes, la pauvreté extrême, ne cessent de s’approcher de nous.

Mais comment faire, dans tous ces cas ? Je propose que le problème se trouve surtout dans notre manière de nous relier, trop instantanée et dernière minute, trop détaché de là où nous sommes, ce qui favorise l’irresponsabilité dans la prise de décisions, la non-prise-en-compte des autres.

Pour trouver de la traction sociale, il faudrait une bonne dose de reliement à moyenne distance – à distance de marche ou de voyage vélo. Cela donne aussi la possibilité d’injecter des populations non-riches, fortement motivées à travailler, à la campagne, mais plutôt en relation avec les résidents existants de la campagne. Il faudrait comprendre que les humains et les bêtes ont des rythmes circadiennes, qu’ils se fatiguent et se nourrissent et se côtoient. L’implication est de développer beaucoup plus d’infrastructure et de fonctionnalité pour les gens de passage sans véhicules – donc par définition actifs.

L’imbrication de populations complexes et variée, sur des projets communs qui s’adressent au vivant, est une solution pratique de ces dilemmes.

On m’a suggéré la semaine dernière qu’il manquait, dans mes émissions, le côté pratique, le passage à l’acte. Au contraire, cela fait maintenant quinze ans que j’agis, et de manière très, très précise – je vis sans argent, sans essence, de préférence de fruits et légumes que je produis et je glanes moi-même, pour avoir une consommation d’énergie équivalente à moins d’une tonne de CO2 par an – c’est-à-dire une consommation suffisamment réduite pour ne pas parasiter mes confrères et sœurs humains et autres.

Ceci à titre personnel. Je pense que ceux qui prêchent – qui prescrivent des modes d’action sans eux-mêmes agir de la sorte auront du mal à convaincre les autres. On le voit – les écologistes et autres gauchistes ont eu beaucoup de mal à convaincre, politiquement, au niveau de l’action concrète. Moi aussi, mais mes suggestions auraient eu beaucoup plus d’attention si l’on n’avait pas fait amalgame entre tous ceux qui proposent des solutions écologiques – s’il y avait eu un vrai débat rationnel. Je note que dans les récentes confrontations autour des bassines, on a tagué la voiture de Yannick Jaddo. Je ne suis donc pas le seul à ressentir le manque de logique des écolos politiques. Je me demande comment, même avec ceux qui se disent écolos, on peut débattre. Je dois me fier à des manifestations comme ce taguage pour savoir que les questionnements existent.

On sait maintenant que l’important, c’est de créer des possibilités pour la grande majorité, que cela ne sert à rien de créer des éco-hameaux sans proposition pour l’infrastructure qui va avec – ils ont tous des voitures, voir des camions, ce n’est vraiment pas comparable à une vie pauvre en banlieue. Je passe mon temps à étudier et à parler de l’infrastructure nécessaire pour que la grande majorité de mes concitoyens terrestres puissent adopter le même style de vie frugal, sobre et agréable que moi, tout en sachant que si cela continue comme ça, ce ne sera ni agréable, ni même faisable, de vivre dans une campagne de plus en plus exclusive et industrielle, en canicule et en sécheresse. Avec infrastructure oui, sans, non. Avec travail écologiquement utile, sans machines, oui. Sans, non.

J’ai pratiqué pendant des années en Ariège les circuits sans essence, sans argent que je propose comme solution à plusieurs égards à notre impasse écologique. Lorsque je termine ces émissions radio, en décembre, je propose de les reprendre, ici en Aveyron. Je sais pertinemment que tout cela ne servira à rien à moins que d’autres personnes me rejoignent. J’estime que le niveau d’hostilité actuelle à la campagne contre de telles initiatives est énorme – c’est-à-dire que je ne donne pas cher pour ma peau si je continue de creuser ces chemins dans un climat de plus en plus dangereuse, sans soutien. Par analogie, je peux considérer que peu de gens auront envie de me rejoindre.

Par contre, la rhétorique me rejoint de plus en plus souvent, sans passage à l’acte suffisant.

On m’a même dit hier que mon problème était que j’étais en avance sur mon temps. Le temps est en train de nous rattraper, nous tous, et on me dit que je suis trop en avance ! C’est à se désespérer.

Du fait que j’ai pu exister pendant plusieurs années dans ce contexte, j’ai pu mûrement réfléchir, selon les paroles de la chanson, sur la conséquence de telles actes. Ayant participé à plusieurs initiatives contre la pauvreté, la guerre civile et les vies détruites qui créent les problèmes de populations déplacées, de l’Amérique Latine jusqu’aux ZADs.

Au lieu de devenir plus radical, j’ai tendance à comprendre que le problème est structurel – qu’en ayant des manières de s’organiser et de nous déplacer qui nous mettent à distance du territoire que nous occupons physiquement – avec nos corps, avec nos réseaux de contacts physiques, nous nous mettons dans l’impossibilité d’agir dessus. En fait, c’est les machines qui agissent pour nous – sauf que non, cela ne marche pas comme ça. Comme nous ne sommes pas dans l’environnement physique, il ne fait pas partie de nos priorités, surtout, nous ne le connaissons pas, nous n’interagissons pas avec. Par exemple, dans des endroits que je fréquente au bord de la rivière, des gens viennent en camion déposer des déchets verts – justement parce que c’est une zone inoccupée par les humains et qu’ils ne risquent pas de se faire choper. Ou ils grignotent du bois, souvent du bois vert, ils sont tellement peu informés, pour leur feux ouverts. Ces zones inondables doivent être les plus bio-diverses de toutes. Qui s’en occupe ? Personne. Dès qu’une zone est déclarée inhabitable ou réserve naturelle, elle est en danger. Dès qu’il y a moins d’habitants humains, on a le droit d’avoir des voitures polluantes. Des chasseurs avec des chiens viennent semer la terreur et déstabiliser ces zones qui, auparavant, étaient les axes principaux de mouvement, tout au moins en bas, dans les gorges.

Or, le système de propriété et de pouvoir local actuel favorisent, c’est-à-dire empirent cette situation, en coupant la possibilité d’installer des populations humaines capables de régénérer la biodiversité et la résilience de la campagne. On a un besoin urgent de jeunes actifs qui peuvent remplacer les machines agricoles, qui peuvent faire du travail manuel de jardinage et de transport à petite échelle. S’ils n’utilisent pas le transport routier et surtout s’ils n’ont pas de voitures individuelles, s’ils se déplacent et ils déplacent les denrées sans machines, ils gagnent en pouvoir d’achat à peu près 8000 euros par an.

Toute la logistique de tels réseaux sert aussi pour accueillir des écoliers et des étudiants, qui peuvent, en suivant ces écoles linéaires, apprendre comment interagir avec la nature de manière constructive.

Comme nous tous, je me trouve face à des évidences qui cependant ne donnent pas lieu aux changements radicaux qu’il faut. Ces émissions radio font partie des réflexions là-dessus. En mieux comprenant les problèmes, en tentant d’appliquer des solutions, on peut s’en sortir – c’est mon opinion.

Globalisation-localisation – le sujet de cette émission No.9, je pense que cela pourrait aussi bien s’appeler « l’intelligence collective bafouée ». Le terme « intelligence collective, je ne l’ai jamais aimé. Consensus, mieux dit. Historiquement, on voit bien l’intolérance sociétale à l’œuvre – la possibilité de se désigner « athée », par exemple, n’a pas existé vraiment avant Galileo. Intelligence collective ? Transmission ? Ce que l’on voit aujourd’hui, c’est une série d’Omertas.

Nous sommes presque tous dans l’emprise d’un système qui ne cesse de nous déséquilibrer selon des critères qui viennent de loin, sur lesquels nous n’avons pas prise. Le marché du blé, la guerre lointaine, les prix qui montent, il n’est pas étonnant qu’il y a envie d’un repli sur soi et d’une autonomie locale, surtout chez les gens éduqués qui cherchent à se protéger et les siens. Rappelons-nous que ce n’est pas cela, la fonction de la campagne, d’être une réserve pour les riches, les privilégiés, les deuxièmes résidences et les touristes nantis.

Il est très très difficile à supporter de voir ces gens de deuxième résidence se proclamer contre la venue de pauvres ou de réfugiés, en nombre suffisant pour s’occuper des terres.

Le grand pays le plus riche, les plus industrialisé et le plus polluant au monde – les états unis – est aussi l’un des pays les plus repliés sur ses propres intérêts. Sa puissance fait qu’il est souvent le décisionnaire – c’est comme si l’on mettait les clés de notre maison qui brûle dans les mains du pompier-pyromane à l’origine du problème.

Une politique de « self-reliance » d’autonomie dite locale, c’est-à-dire de la communauté politique européenne commence à être à l’ordre du jour. Sans l’Angleterre. Sans la Norvège. Avec l’Allemagne qui ne fait qu’à sa tête. Sans la Turquie, etc., etc. Avec des programmes identitaires chaque fois plus détraqués.

Pour les questions d’intelligence collective, face à des crises, rappelons-nous que les nouvelles politiques viennent d’abord des marges, et qu’une fois des systèmes autoritaires et intolérants installés, cela peut prendre plusieurs décennies avant qu’ils ne tombent.

Si je propose des systèmes de mouvement local, c’est pour maintenir notre capacité d’interagir avec l’altérité – de trouver notre intérêt et notre plaisir à rencontrer et travailler avec plusieurs types de personnes, plutôt que de vivre dans des communautés fermées.

Une caractéristique commune entre ces états désunis, tant les états unis que les nôtres, est un consensus des oligarchies et des élites de partout dans le monde à partager le butin entre elles. Si l’on voit de plus près, c’est pareil – même la forme dite démocratique représentative joue en faveur des élites à chaque échelle fractale locale, qui au niveau national ou supra-national se mettent d’accord pour partager le butin.

Le culte de la personnalité, du charisme et de la performance, commun à tout régime existant, qu’il soit autoritaire ou supposément non-autoritaire, favorise, bien sûr, les personnages qui ont su profiter, en abandonnant toute éthique et raisonnement collectif, de la situation.

Ce sont nos héros – la plupart d’entre eux par le hasard de la naissance. Disons que chacun d’entre nous, s’il arrive à parler et à marcher, est à peu près à niveau – si l’on voit des gens qui deviennent des super-héros, si on crée des cultes de la personnalité, la réalité est que les humains sont surtout des émulateurs, c’est-à-dire hyper-conformistes et qui cherchent à se trouver approuvés par les autres « My name is Joe Biden and I approve this message ».

C’est-à-dire, à peu près l’exacte contraire d’un super-héro.

Ceux qui osent agir d’une autre manière, ou lancer des vrais défis argumentés à cet état d’affaires sont persécutés, vilipendés, leurs œuvres détruites et ainsi de suite. Il est même nécessaire – pour soutenir ceux qui ont su profiter de la destruction rapide du monde, d’accabler l’opposition qui, ayant pris son élan, se trouverait très rapidement en position de force et de popularité.

Les preuves sont manifestes. La destruction d’habitat alternatif et de jardins, la persécution injustifiée de personnes sont tellement systématisées et incrustées dans la loi, les us et les coutumes que le succès individuel ou collectif est plutôt indicatif du compromis de trop. On présente toujours les succès en termes relatifs – on fait donc mieux que « les industriels ». La critique de l’autre, sans auto-critique véritable, visible. Exemple : on critique les mégabassines qui ne feront qu’augmenter la sécurité et les profits des quelques peu de grandes exploitations agricoles.

On essaie de tuer dans l’œuf toute proposition raisonnée pour sauver l’humanité, la nature, les êtres vivants.

Les seuls qui ont pu tenir sont ceux qui proposent des solutions non-viables. La confédération paysanne, le collectif de Larzac, de la ZAD de Notre Dame des Landes ou maintenant des Bassines, par exemple, rentrent bien dans le cadre de l’exploitation agricole à moyenne échelle (plus de 5 hectares), avec des tracteurs, avec des camions, avec besoin de beaucoup d’infrastructure routière et avec très peu de transport et de labour humaine, si on le calcule en kilojoules injectés. Pour contextualiser, si on appliquait leurs méthodes à des pays comme l’Inde, il y aurait des centaines de millions de morts, à cause de l‘élevage qui remplace les régimes végétariennes.

L’un des actes les plus forts que pourraient prendre les européens, c’est de vivre bien avec beaucoup moins – d’élever le statut social de ceux qui vivent correctement, au niveau de leur empreinte écologique.

Actuellement, la plupart des pauvres ne peuvent pas avoir des jardins vivriers, ces endroits sont possédés par les riches. Les riches eux-mêmes se pensent pauvres – du fait que pour être à peu près bien, il faut consommer beaucoup d’énergie.

Les mouvements de protestation qui font des actes de désobéissance civile utilisent les mêmes moyennes de transport et de communication qui favorisent la dominance des forces anti-écologiques. Des voitures, des minibus, des tentes, des portables et ainsi de suite. Tweeter et Ellen Musk sont très intéressants à cet égard – puisque ce sont les élites mondiales qui utilisent ce média en particulier. Pourquoi est-ce que les médias nationaux mettent les logos d’entreprises privés américains à être cliqués par leurs audiences ?

C’est l’un des aspects de mes études – je m’abstiens de tous ces médias, j’ai passé des années sans internet, je n’ai pas de portable. C’est à peu près invivable. Les médias locaux n’existent quasiment plus. Comment peut-on s’attendre à une prise en considération de ces réalités o trop physiquement réelles par des gens qui en sont détachés ? Il me paraît évident que retisser les communications physiques au niveau local est une simple reconnaissance de notre existence.

Si c’était une question d’intelligence collective, on ferait tout autrement que ce que l’on fait maintenant. On émet des forts doutes sur l’utilité de cette rencontre de « 40,000 personnes venues de 196 pays » à Charm El-Cheik en Égypte, le COP27. 40,000 personnes – mais qui sont-elles ? Celles qui peuvent se déplacer à de telles distances. Quel intérêt a-t-on vraiment à donner notre attention à celles-ci, qui, surtout si elles viennent des pays pauvres, feront partie ou dépendront des oligarchies qui exploitent leurs propres co-citoyens ?

La manière tout-à-fait pragmatique et pratique de contourner ces problèmes et de créer une interactivité responsable et responsive, c’est de retisser des liens à travers les mouvements sans machines à essence ou à électricité, à moyenne distance. Pour cela, il faut une infrastructure minimale d’accueil et de mise en activité utile de ceux qui participent à ces réseaux. Or, c’est exactement l’inverse qui se passent actuellement. Les gens qui sont physiquement présents sont de plus en plus méprisés, les vidéo-conférences sont visiblement beaucoup plus importantes que ceux qui sont là. On rend la vie difficile aux réfugiés et aux pauvres, au lieu de les accommoder. Comme dans la politique nationale annoncée, on essaie de favoriser ceux qui sont utiles et rejeter ceux qui ne le sont pas. Ceci, pour faire les boulots qui raccourcissent la vie et qui rendent malade. Chauffeur de camion. Femme (ou homme) de ménage. Agent de nuit. Soudeur. Je souligne en particulier que les travaux d’aide à la personne et d’entretien signifient respirer des produits ménagers hyper-nocifs, respirer les poussières qu’on soulève en nettoyant, etc., etc.

C’est un peu comme un néocolonialisme, un néo-esclavage qui est proposé. Moi, ce que je proposerais, ce serait plutôt l’équivalent des travaux saisonniers, décontractés, en déplacement, de maraîchage et de jardinage, bons pour la santé et pleinement socialisés.

Je suis presque obligé de prendre comme exemple les aides alimentaires. Actuellement, les systèmes de distribution se font à l’imitation du système Walmart, à grosse échelle. Que ce soit à Ganges, à Toulouse ou à Millau, les principales instances d’aide alimentaire dépendent de la fourniture à distance en camion.

Dans le cas de Millau, c’est Rodez, le « hub ». Ces denrées de basse qualité, dites de l’Union Européenne mais à vrai dire qui viennent des industriels surtout français de produits laitiers, de poulet et autre, invendables à tous ceux qui ont le choix, parce que nocifs pour la santé et le bien-être, sont partagés avec les gens en état de famine en Afrique et en zone de guerre secondaire des pays riches (Afghanistan, Syrie, etc.).

Ces produits sont aussi les produits avec le plus d’emballage et de frais de stockage. Dès que l’on doit stocker et redistribuer, il faut une chaîne de froid et des emballages longue-durée, ce qui veut dire que tout produit périssable non-emballé est hors circuit. C’est-à-dire, la plupart de tout ce qui est bon – le saucisson, le foie gras, le lait cru, les légumes et les fruits mûrs pour la confiture, les produits passés de date d’un jour du boulanger, etc., - bref les produits locaux. Il n’est tout simplement pas rentable de s’occuper de ces produits, selon le modèle Walmart. La perte de bon goût, de savoir faire et de connaissance culinaire des français est très très rapide, avec ces normes. Sachons que la conservation, en cave, sans emballage en plastique, fait partie de ce savoir faire et permet aux gens de s’auto-alimenter.

Cette semaine dernière, on a entendu au média national qu’il y a des propositions d’en haut de remplacer ce système néfaste et totalement anti-écologique avec des produits frais, sourcés localement.

Mais dans les instances alimentaires, on va dire que l’on ne donne que ce qu’on reçoit. Je prédis, très sincèrement, que si l’on continue comme ça, même avec les initiatives centralisées, on ne fera que générer de plus en plus de ressentiment, de moins en moins de bénévoles, et de plus en plus d’abus des usagers du système, rendus totalement passifs et traités de manière de plus en plus humiliante.

Il faut y réfléchir un moment – les restaus du cœur était une initiative populaire, à l’origine, pas une organe d’état créé pour empoisonner les pauvres, mais, il me semble, l’idée de donner un bon repas par jour en toute convivialité aux plus démunis.

Les restes qui sont aujourd’hui jetés aux cochons et à d’autres animaux, dans le meilleur des cas, mais le plus souvent dans des sacs en plastique à pourrir et créer de la méthane sous terre, pourraient servir à faire des repas collectifs pour les gens. Mais pas dans le cadre actuel.

Le sujet reste ce sujet de globalisation-localisation.

« On n’a pas vocation à aller sur le territoire de l’autre »

Je citerai le contexte plus loin, mais le sens, le sens de cette expression porte loin déjà. Il démontre qu’il peut exister des collusions à distance, des mutualités d’intérêt qui servent à neutraliser la vie démocratique chez soi. Plus loin, qu’il peut exister … qu’il existe des coalitions d’intérêt qui nient leur responsabilité, tout en étant les acteurs déterminants. Prenons l’exemple de notre empreinte nationale énergétique - l’énergie venant d’ailleurs. Le travail et l’exploitation venant d’ailleurs. Total donne l’exemple. Mais nous profitons tous des produits de Total. Notre économie ne marcherait même pas, sans ses opérations extérieures.

Ne pas y aller, ce n’est pas ne pas recevoir ce qui en vient ...

J’ai capté cette bribe en écoutant l’explication d’un responsable d’une radio locale. J’ai subitement compris qu’il y avait tout un iceberg de décisions administratives qui allaient déterminer la localisation ou l’universalisation d’une radio dite « locale », que le diable était dans les détails, élaborés au cours des années, depuis les premières radios libres du début des années 1980.

Il faut savoir qu’à un moment donné, les émissions qui vont s’entendre sur une radio dite locale ne sont ni lives, ni locales – que les lives sont le plus souvent syndiqués. C’est un vrai problème – il faut pas mal de production locale pour justifier les subventions.

Et je pense que, comme la fédération paysanne, les radios locales doivent être d’entre les meilleures qui restent, écologiquement – mais qui se trouvent face à des réalités parfois intraitables.

On est presque démuni face à l’enregistrement, les podcasts, les compétences à d’autres échelles. Mais, comme avec les bénévoles et les employés d’autres assocs., il ne faut pas pratiquer l’auto-censure ou défendre ce qui est à vrai dire indéfendable, cacher les vérités ou en discuter seulement à huis clos.

L’analyse du « tout local » tient bon si on ne se tient qu’aux opérants et décisionnaires, en principe, bien qu’il existe des autorités plus centrales qui détiennent souvent les reines du pouvoir. En ce qui concerne ce qui est sélectionné et produit pour être inclus dans la programmation, et donc l’expérience réelle des auditeurs – la raison d’être de la radio, normalement – c’est une toute autre histoire – on ne se prive pas de radio venant de toutes parts. Qu’est-ce qui se passerait si l’on appliquait une analyse systémique des sources et des productions de flux d’information, d’énergie et de matière à la radio locale – qui est aussi sur internet ? Qu’est-ce que deviendrait cette profile si l’on arrêtait d’émettre sur les ondes FM, au niveau local ? Et qu’est-ce qui se passe, avec cette histoire de syndication des émissions – ce qui signifie qu’une radio locale, ou plusieurs, se mettent ensemble pour partager des émissions ?

Je mets un petit b-mol , il existe des producteurs de radio errants, qui ne paraissent pas inassimilable à l’organigramme, l’organigramme que je rappelle, dit « On n’a pas vocation à aller sur le territoire de l’autre ». Cela m’amuse – cela montre que le fait d’avoir un style de vie « bouger », d’être nomade, permet des exceptions à la règle. Avec plus de gens qui bougent et qui prennent des sons, cela pourait être vraiment intéressant.

En tous cas, cette question de territorialité moule les possibilités actuelles. Territorial, en rapport avec d’autres territoires, ou fiefs, j’ose dire. Un peu à l’instar du sénat et d’autres institutions de pouvoir qui se fédèrent pour mieux exercer le pouvoir de décision. L’état nation en dépend. Cela suit le modèle d’élite locale qui fait élite nationale.

Si je prends la radio comme exemple, c’est pour quelques raisons assez pertinentes. D’abord, j’y suis – près de l’information ce concernant, je peux y connaître quelque chose, tout en étant étranger. Bref, j’ai, bien que ce soit peu, accès à l’information parce que je suis là.

Deuzio, la radio, c’est la communication, la communication à distance – distance courte, dans le cas de la radio locale, et longue, puisque c’est sur internet et en podcast, en principe. La communication donne naissance au pouvoir, pouvoir d’agir sur les choses – de les bouger, de manière coordonnée, par exemple. Le transport mais aussi l’habitat. Ce n’est pas rien.

Mais la radio locale, face aux groupes sociaux, face au média national, est presque rien, aujourd’hui. Je pense que cela fait une bonne analogie avec les gens qui se côtoient physiquement mais qui vivent des vies à part, plus unis avec des gens lointains. C’est évident que cela peut miner la confiance en soi et créer des surcompensations de tous bords.

Troisième, la radio locale fait partie du vieux modèle, essentiellement non-interactif, des acteurs devant une audience.

Un groupe social ou un influenceur dépendent des followers et de ceux qui interagissent, bien que l’on voit se rétablir, de plus en plus, le même vieux modèle d’acteur/audience. Cela peut ressembler à une antenne de radio en termes de taille et même de fonction. La différence étant que l’on est producteur-participant – en principe.

On peut dans les deux cas cerner des groupes de pouvoir – des groupes décisionnaires – qui se déterminent plus par secteur que par localisation géographique. Il y a des liens forts d’interdépendance sectorielle, mais relativement peu de responsivité par rapport à l’avis de l’audience, les consommateurs, les clients, les usagers ou utilisateurs … vous voyez ce que je veux dire – il manque un mot.

Et ça, c’est en ce qui concerne la radio « locale » - c’est dans le nom.

J’ai été proche de la vie associative, c’est un terme que j’apprends à décortiquer avec un étonnement croissant. Comme on n’est pas en Chine, mais dans le pays de la liberté et de la solidarité librement accordée, le carcan administratif des associations – je me demande comment les gens peuvent s’y plier. De toute évidence, les Gilets Jaunes ont partagé mon avis, sauf que j’ai l’impression que pas mal d’entre eux n’ont jamais eu de problèmes à faire partie d’associations loi 1901 ou 3 – je ne sais pas – caritatives et autres – tout en rejetant la structuration de ce mouvement en particulier.

Mais, comme je l’ai dit, le diable se trouve dans les détails – lorsque les gens se fédèrent, ils le font pour se fortifier, pour faire que leurs voix comptent.

Ce que j’ai pu observer dans l’évolution des associations, au cours des 15 dernières années, c’est une très rapide professionnalisation, de telle manière que les décisionnaires exécutifs – les exécutants, se réduisent en nombre et deviennent déterminants dans les décisions prises. Les soi-disant bénévoles, particulièrement dans les sphères médiatiques ou les stagiaires ne sont pas ou peu payés, côtoient des employés rémunérés correctement, souvent en CDI. L’obsession français avec les CDIs, je ne l’ai jamais compris, mieux vaut partager les fruits de notre labour entre plusieurs que le réserver au petit nombre de super-privilégiés. Mieux vaut assurer les bases de la vie pour la majorité que dépendre de la charité et le bénévolat qui ne l’est pas vraiment.

Mais je digresse, la superstructure qui rend tout cela possible, qui rend possible que peu de gens qui ont pu négocier des termes favorables, comme les cheminots, les livreurs de pétrole et de gaz, les employés de la média, … c’est justement cette structuration politico-géographique, par antenne, qui joue.

Vous voyez – globalisation-localisation, où ça nous mène ? Du haut en bas, de gauche à droite, les mêmes structures, qui nient la prise en compte du monde physico-social. Mais ce monde, c’est l’environnement. Si on peut l’ignorer – et profiter de cette ignorance socialement, économiquement, il faut pas s’étonner que le monde va mal.

Jusqu’à cette année, les climatologues que j’ai entendu indiquaient que la France et l’Europe n’allaient pas subir en premier les conséquences du réchauffement climatique et de l’extinction des espèces. Aujourd’hui, c’est-à-dire après la canicule et la sécheresse de cet été, ils prédisent que c’est l’Europe et la France qui vont être les premiers à subir le réchauffement et les extinctions. Après coup.

Subtile différence, n’est-ce pas ? L’Europe est toute une région du monde – si cela monte de quelques deux ou trois degrés, dès maintenant, les dégâts aussi. Nous devons vraiment créer, au maximum, un grand mur vert chez nous, et pas juste en Afrique. J’ai déjà élaboré les plans pratiques, vrai vie, relatés sur mon site, section « pratique ». Le problème, comme en Afrique, c’est la protection de ces murs verts, ces haies, contre les forces anti-écologiques. Les miens ont été détruits, à deux reprises. Donc, sans tomber dans le syndrome des milices, il faut sérieusement penser à comment défendre, en profondeur, les tentatives de créer un monde vert viable pour demain. Il faut déjà être présents, sinon la nature devient notre déchetterie, de toute évidence.

Défendre ce monde comme si c’étaient nos enfants. En fait, c’est la vie de nos enfants qui est en jeu. Le vieux qui dit qu’il s’en fout, il n’a que quelques années à vivre, …, c’est difficile ça, je l’ai entendu à plusieurs reprises maintenant, cela m’a choqué.

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stringly partout (buis pyralisé et ensuite cauterisé) contre jour